Hiro’a n°168 – Trésor de Polynésie : Les affiches du Heiva, marqueurs d’époque

Trésor de Polynésie – Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Fare Manaha

Les affiches du Heiva, marqueurs d’époque

Rencontre avec Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles. Texte

Pauline Stasi – Photos : MTI et TFTN

L’exposition « Tahiti Ti΄a Mai, du Tiurai au Heiva », qui se tient jusqu’au 31 octobre au Musée de Tahiti et des îles, propose aux visiteurs de découvrir 140 ans d’histoire de ce célèbre festival polynésien, le plus ancien du continent océanien. Parmi les nombreuses œuvres dévoilées au public, plusieurs tableaux peints dans les années 1990 ont servi de modèles pour les affiches du festival. Source d’inspiration pour les artistes, le Heiva s’est intimement lié à la peinture tout au long de cette décennie.

Une danseuse gracieuse effectuant un mouvement de ΄aparima, entourée de rameurs en pleine course. Cette peinture à l’huile de François Ravello, dont on reconnait la touche atypique, est actuellement visible au Musée de Tahiti et des îles. À l’instar de plusieurs autres toiles, elle fait partie des œuvres prêtées depuis le mois de mai par la Maison de la culture à l’établissement artistique pour l’exposition « Tahiti Ti΄a Mai, du Tiurai au Heiva », qui relate 140 ans d’histoire de ces festivités. « Ce partenariat avec la Maison de la culture à travers le prêt de plusieurs toiles pour cette exposition est très intéressant, car à travers elles, on s’aperçoit que le Heiva a été une vraie source d’inspiration pour les peintres (…). Ces tableaux sont comme des marqueurs d’une époque. Lors des différentes visites de l’exposition que j’ai effectuées avec le public, je me suis aperçue que les visiteurs, en voyant les toiles, avaient encore un souvenir très présent des anciennes affiches du Heiva, imprimées non pas à partir de photos, mais de tableaux peints pendant les décennies 1980 et surtout 1990 », constate Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles. Et effectivement, si la photographie est omniprésente aujourd’hui pour capturer l’univers du Heiva, cela ne fut pas toujours le cas. Les modes d’expressions ont évolué au fil des années. Ils sont autant de reflets des tendances artistiques de la société polynésienne.

Révélatrices de l’évolution du festival

« Dans les années 1990, les organisateurs faisaient alors appel aux peintres et leur commandaient des peintures pour servir d’illustrations des affiches du festival. Aujourd’hui, c’est différent, les affiches sont réalisées à partir de photos prises lors de l’édition de l’année précédente », note Miriama Bono. Peint en 1995 par François Ravello, suite à une commande publique de la Maison de la culture, son tableau intitulé tout simplement Heiva, et qui fut imprimé en affiche, en est l’une des illustrations. Les compositions de ces tableaux et la façon dont les artistes peignaient le Heiva sont également révélatrices des évolutions du festival. « Dans la composition du tableau de Ravello, une danseuse est peinte au premier plan, les pirogues sont au second plan. C’est intéressant, car cela montre la façon dont éait représenté le Heiva en 1995. Cette vision du festival est encore valable de nos jours. La danse et la pirogue sont toujours très populaires aujourd’hui. Par contre, à l’époque des fêtes du Tiurai, les hīmene étaient davantage représentés car ils occupaient une large place », constate la directrice du Musée.

Bobby Holcomb, André Marere

Outre ces peintures, servant de modèles pour les affiches imprimées des éditions du festival dans les années 1990, le Heiva et ses différentes disciplines ont suscité des créations chez de nombreux artistes peintres. Parmi eux, l’artiste aux multiples talents, peintre et chanteur, Bobby Holcomb, qui n’hésitera pas . prendre ses pinceaux pour mettre en scène le Heiva ou encore Pierre Kienlen, connu pour ses toiles tout en mouvement, et André Marere dans une acrylique peinte en 1994.

Si les années 1980 et surtout 1990 peuvent être comparées à un certain « âge d’or » de la peinture comme mode d’expression artistique pour représenter le Heiva, la photographie s’est ensuite imposée durant les décennies suivantes. Le développement du numérique remplaçant les vieilles pellicules argentiques ayant très certainement favorisé la prédominance du huitième art pour ce mythique festival. Les artistes se sont alors moins tournés vers le Heiva, sondant d’autres richesses de la culture polynésienne. « À titre personnel, je pense que, comme les photographes avaient surinvesti le Heiva, les peintres ont décidé de partir vers d’autres champs d’exploration. Ils se sont inspirés des motifs ornementaux des tiki, des tatouages, des tapa… La tendance est plus à un questionnement autour de la forme, du motif, quitte à les détourner. C’est plus facile de détourner un tiki qu’une danseuse », conclut dans un sourire Miriama Bono.

PRATIQUE

. Ti΄a mai, du Tiurai au Heiva .

• L’exposition se tient jusqu’au 31 octobre

• Dans le respect des mesures sanitaires

• Adultes : 600 Fcfp / personne

• Groupes (+10 pers) : 500 Fcfp / personne

• étudiants et -18 ans : gratuit

• Réservation www.billetterie.museetahiti.pf

• À noter que l’exposition est présentée en tahitien et en français ; des audio-guides en anglais sont disponibles pour le public anglophone.

Légendes

Œuvre de François Ravello.

L’affiche réalisée à partir de l’œuvre de Ravello.

Pierre Kienlen ˝ MTI.

L’affiche réalisée à partir de l’œuvre de Marere.

Œuvre de Marere.

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