Hiro’a n°168 – Hommage : Le Conservatoire rend hommage à Hans Faatauira et David Kimitete

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HOMMAGE – Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau

Le Conservatoire rend hommage à Hans Faatauira et David Kimitete

p 28 HANS ET DAVID

Hommages de Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire, Toanui Mahinui, professeur de ΄ori tahiti tāne, Stéphane Rossoni, professeur de batterie et de percussions, Mike Ariipeu Tessier, professeur de hīmene, Bruno Demougeot, professeur de musiques actuelles et coach vocal, Steve Angia, professeur de percussions et membre de l’orchestre traditionnel, Erena Uura, professeure de ΄ori tahiti vahine, Samuel Magott, professeur de piano classique, Vanina Ehu, responsable de la section des arts traditionnels et professeure de ΄ori tahiti, Roger Taae, chef de l’orchestre traditionnel, Frédéric Cibard, chargé de communication – Photos : CAPF et Stéphane Rossoni, photographes accrédités.

Profondément touchés par la disparition successive, en une semaine, de deux de leurs collègues, Hans Faatauira et David Kimitete, brutalement emportés par l’épidémie, les enseignants et agents du Conservatoire Te Fare Upa Rau ont tenu à leur rendre hommage dans ce Hiro΄a. L’émotion fut vive au Conservatoire, frappé deux fois en plein cœur. Certains expriment leurs sentiments avec des mots. D’autres ont choisi le recueillement du silence. D’autres encore ont joué, lors de la veillée de Hans, ou composé. Tous leur envoient beaucoup d’amour.

Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire

« Artiste virtuose, compositeur et interprète, Hans était connu et reconnu de la communauté artistique du fenua comme un musicien exceptionnel, par son talent, sa virtuosité mais aussi, par sa profonde humanité, sa gentillesse innée et ses encouragements pour les jeunes talents. Cet agent, exceptionnel, a fait honneur au service public. Au-delà, il a transmis son art avec une grande générosité, donnant ainsi tout son sens à la mission d’éducation culturelle.

David nous a quittés en suivant d’une semaine son ami, collègue et complice, Hans, parti comme lui rejoindre les étoiles. De tous les musiciens, artistes et enseignants de la section des arts traditionnels, David était sans doute le plus discret. Il ne parlait pas beaucoup mais il ressentait très fortement les choses. Hans et David, vous nous manquez, vous nous manquez beaucoup. »

Toanui Mahinui, professeur de ΄ori tahiti tāne

« C’était très agréable de les voir tous les deux en même temps. Je pensais à deux amis d’enfance qui continuaient de jouer ensemble. Hans avait le rôle du mentor, David suivait. Ils se sont bien trouvés ; Ils étaient très discrets, toujours avec le sourire. Je retiendrai vraiment ça d’eux : le sourire. Ils ont été sincères avec nous, sans arrière-pensée. Qu’ils soient partis tous les deux, c’est comme s’ils s’étaient rejoints. Je les appréciais vraiment tous les deux. On a toujours su mettre nos différences de point de vue de côté. On n’essayait pas d’imposer, on s’écoutait les uns les autres. La discussion était facile avec Hans. Et on rigolait beaucoup. Ils vont beaucoup nous manquer, ils vont me manquer. »

Stéphane Rossoni, professeur de batterie et de percussions

De tous les enseignants du Conservatoire, Stéphane Rossoni, notre plus ancien professeur en activité, a joué un rôle spécial dans la carrière de Hans Faatauira. Il était son professeur de percussions  classiques, et c’est lui qui l’a mené à la médaille d’or, lui ouvrant les portes d’une pratique de virtuose. « L’un des créateurs du conservatoire avec Maco Tevane, Claude Malric, notre premier directeur, m’avait demandé de former les jeunes du fenua aux métiers de la Musique. C’est ce que j’ai fait avec Hans, élève remarquable de ténacité et de volonté. Je souhaite juste témoigner une fois de plus de sa gentillesse, de sa fiabilité, de sa disponibilité, le remercier pour toutes ses années auprès de moi, en tant qu’élève puis celles passées en tant que professeur. Hans a amené énormément aux secteurs classique et traditionnel. Mon collègue Jérôme Descamps me rappelait que lorsqu’il a passé sa médaille d’or au conservatoire, il dormait dans sa salle et bossait dès le réveil très dur, tous les jours. Le jour de l’examen il m’avait impressionné en jouant par cœur Island Magic de Dave Weckl ainsi que Salt Peanuts de Dante Agostini, dans sa belle chemise blanche. Il a passé haut la main l’épreuve pratique sous les regards admiratifs des frères Mama, James et Lucien, présents pour le soutenir… »

Mike Ariipeu Tessier, professeur de hīmene

« J’ai un dernier souvenir émouvant de Hans Faatauira. Nous en discutions depuis quelques temps. L’idée était d’introduire des percussions classiques dans le pupu hīmene que je dirigeai pour le festival Tahiti Ti΄a Mai. C’était osé, on l’a fait. Hans était certain que cela se passerait bien. Et cela s’est bien passé. En fait, tout était possible avec lui, possible et réalisable. C’était un magicien. »

Bruno Demougeot, professeur de musiques actuelles et coach vocal

« Pour ma part j’aimerais juste dire, concernant Hans, qu’il a été l’un des premiers à ouvrir une voie pour tous les Polynésiens qui souhaitent étudier, apprendre puis enseigner, travailler au Conservatoire : comme quoi, tout devient possible. Hans m’a accueilli au conservatoire dès 2003 avec David, et nous étions dans l’orchestre symphonique pour le projet Manahau. Hans et David étaient des figures polynésiennes au sein du conservatoire : nous continuerons le travail qu’ils ont commencé. »

Steve Angia, professeur de percussions et membre de l’orchestre traditionnel

« Hans était un musicien hors pair, dans les arts traditionnels et dans les arts classiques classique. Il était humble, c’était une personne très cultivée. En tant qu’enseignant en percussion j’ai toujours voulu être formé entre autres par Hans pour parfaire mon travail pédagogique auprès des enfants. D’ailleurs je l’ai toujours sollicité pour me corriger dans mon travail, et je sais que son expérience dans le domaine était large, voire immense. Māuruuru, Hans : tu vas beaucoup nous manquer et surtout merci pour tout.

David je l’ai connu il y a trois ans alors qu’il faisait déjà partie de l’équipe des musiciens du Conservatoire depuis plusieurs années. Je dirais de lui que c’.était un copain humble, une personne simple et bonne. David était un musicien qui n’attendait rien en retour… Je lui ai donné son surnom, Dada.

Les deux amis, Hans et David, étaient comme des frères au travail. Je voudrais les remercier pour ce chemin accompli ensemble. »

Erena Uura, professeure de ΄ori tahiti vahine

« Hans et David étaient deux amis collè.gues de travail qui m’ont toujours soutenue et suivie dans tous mes projets de travail, notamment avec nos enfants de l’antenne de Pira’e avec Remi et Maurice. Ils étaient parfois en désaccord, car nous discutions beaucoup des programmes et de leur coordination, mais nous nous sommes toujours soutenus. Je veux les remercier pour ce chemin de vie parcouru ensemble. Ils vont terriblement nous manquer. »

Samuel Magott, professeur de piano classique

« La première chose qui me vient à l’esprit quand je repense à Hans, c’est la gentillesse et la profonde bonté qui se dégageait de notre collègue et ami. Cette positivité est un modèle à suivre, d’autant plus dans ces moments difficiles. En tant que musicien, il excellait dans son domaine et était au centre de toutes les formations, représentant quelque part le cœur de notre établissement, créant le lien et les passerelles entre les arts traditionnels, le jazz, les musiques actuelles et le classique. Il n’était jamais au-dessus des gens, mais toujours avec eux, et c’est pour cela qu’il va terriblement nous manquer. Je connaissais moins David, mais il était cordial et souriant quand nous nous croisions.

Perdre, coup sur coup, deux collègues nous fait comprendre la gravité extrême de la situation. Restons solidaires. »

Vanina Ehu, responsable de la section des arts traditionnels et professeure de ΄ori tahiti

« Hans, pour moi c’était avant tout un ami, un bébé du Conservatoire, et l’image que je garderai de lui sera celle d’un homme bon, qui était un papa pour ses élèves. Il nous a tous et toujours montré ce respect si important dans la mission d’éducateur. Également, c’était un agent dans l’esprit du service public, toujours disponible, prêt à participer à toutes les aventures du Conservatoire, Je l’ai connu en tant qu’élève de Stéphane. Son papa, Julien, travaillait avec nous dans l’orchestre. Il a passé son concours de classique avec sa médaille d’or. Il était l’un des seuls enseignants à maîtriser les rythmes classiques et traditionnels. Et il adorait jouer tous les autres styles de musique, en dépannant souvent les uns et les autres. Hans avait un grand cœur. Il lançait de temps en temps des petites piques bien senties.

J’ai fait la connaissance de David avec son frère, et un groupe de jeune avec les frères Mama : ce groupe est arrivé au CAPF et ils devaient suivre la formation classique pour pouvoir agrandir et soutenir la fanfare. David c’était un papa poule. Il s’occupait de sa fille, dans la discrétion. Il subissait parfois. Il a été enseignant de ΄ukulele puis il a rejoint l’orchestre au Tari Parau. Hans l’a beaucoup aidé et soutenu.

Ces deux garçons vont nous manquer. Ils font partie, pour toujours, de la grande famille des arts traditionnels du Te Fare Upa Rau. Ils rejoignent tous nos anciens partis au Ciel, ils rejoignent Wilfred. »

Roger Taae, chef de l’orchestre traditionnel du te Fare Upa Rau

« Je voudrais, au nom de tous nos musiciens de l’orchestre traditionnel du Conservatoire, adresser nos sincères condoléances aux deux familles, aux enfants, aux amis de Hans et David. Un grand Fa΄aitoito, et que Dieu les bénisse. Nous ne les oublierons jamais. »

Frédéric Cibard, chargé de communication

« Il était impossible de ne pas aimer Hans. Un sourire chaque matin, un sourire chaque soir. Toujours présent dans l’humanité, dans le service, dans la connaissance de ses métiers : batteur de l’orchestre traditionnel, professeur de batterie et chargé des percussions de l’orchestre symphonique, batteur du Big Band… chef d’orchestre de grands groupes Hura Tau… et musiciens hors pair de la scène polynésienne, qui lui a rendu un incroyable hommage.

Hans était un virtuose, un véritable maître de musique avec une si belle âme. Sa trace est lumineuse. Nous ne devons pas perdre ce message d’amour, qui nous a montré que l’on pouvait être maître de son art et rester proche de chacun.

David, lui, était plus discret. Mais il était toujours au rendez-vous. David était un agent sérieux, appliqué, consciencieux, qui travaillait beaucoup avec Hans pour s’améliorer. Les deux étaient complices.

Nous garderons une place dans nos cœurs pour eux deux, qui ont montré, enfin, toute l’importance des rythmes dans la vie de notre établissement. »

Encadré 1

Hans Faatauira, un enfant du Conservatoire

Hans a baigné dans la musique et les arts dès son enfance car son père, Julien Faatauira, également musicien et agent du CAPF, fut l’un des premiers chefs de groupe dans la lignée de Madeleine Moua et la renaissance des arts traditionnels du fenua. Très jeune, Hans est un élève de Stéphane Rossoni qui l’initiera aux percussions classiques et le conduira jusqu’à la médaille d’or. Puis l’élève intègre  l’équipe du Conservatoire en devenant successivement musicien de l’orchestre traditionnel avec son papa, professeur de ΄ukulele, un instrument qu’il adorait, de percussions traditionnelles et bien sûr, de batterie. Hans se fera rapidement un nom dans le monde artistique : véritable virtuose, amoureux de toutes les musiques, le jazz qu’il jouera avec le Big Band, le blues, le rock… Il consacrera finalement toute sa vie à partager cet amour avec les musiciens du fenua jusque dans les groupes de danse traditionnelle où il se distinguait encore notamment dans le groupe Temaeva.

Encadré 2

David Kimitete, musicien talentueux et homme discret

Âgé de 47 ans, musicien talentueux, homme discret, David Kimitete avait débuté sa carrière au sein de la fanfare territoriale formée, en 2001, au Conservatoire. Il était alors tubiste. Remarqué pour ses qualités d’instrumentiste et sa sensibilité aux arts traditionnels, il allait prendre, durant dix années, la succession du professeur de ΄ukulele de l’établissement, André Huaa, parti à la retraite. David Kimitete allait par la suite réintégrer l’orchestre traditionnel du Te Fare Upa Rau, en étant notamment affecté à l’antenne de l’école Val Fautaua, à Pirae, les mercredis et vendredis. Il participera à chaque grand moment de la vie de la section des arts traditionnels du Te Fare Upa Rau.

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