Hiro’a n°166 – Oeuvre du mois : Les couronnes de mautini, reines de l’artisanat de Pueu

Rubrique Œuvre du mois

Service de l’Artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa rima΄i

Rencontre avec Évaline Teotahi et Tautiti Koheatiu de l’association Te Putea. Texte et photos : Pauline Stasi

 

Les couronnes de mautini, reines de l’artisanat de Pueu

 

Véritable grand-messe de l’artisanat polynésien, le Heiva rima’i a fermé ses portes il y a quelques semaines. Parmi les exposantes présentes, Évaline Teotahi. Originaire de Pueu, elle perpétue une spécialité unique à ce district de la presqu’île, le tressage du mautini et ses élégantes couronnes blanches.

 

Les gestes sont rapides, les doigts agiles. Évaline Teotahi manie et assemble ces petites lamelles de mautini avec une dextérité qui suscite l’admiration. Il faut dire qu’entre l’artisane et les tiges du potiron, c’est une belle histoire qui dure depuis de nombreuses années. Originaire de Pueu, le berceau du tressage de mautini, Évaline Teotahi a appris cet art avec Istela Lehartel lorsqu’elle avait vingt-cinq ans. « C’est une tradition unique à Pueu, nous sommes le seul district où on tresse le mautini. C’est tout un processus, assez long », explique, une once de fierté dans la voix, l’artisane, une couronne de mautini bien enfoncée sur son front.

Car effectivement, avant d’arborer une couronne sur sa tête, il lui aura fallu du temps, de la patience et du savoir-faire pour arriver à la réalisation de ce royal objet. À commencer par la recherche de la matière première. « Il y a moins de mautini qu’avant à cause des constructions sur les terres, mais j’arrive à me fournir chez mon beau-frère. Je coupe le mautini, ce sont les tiges des potirons, elles se présentent comme des lianes par terre. Je les ramasse avec des amies », raconte avec enthousiasme Évaline Teotahi.

 

Un processus long et minutieux

 

Une fois les lianes ramenées chez elle, commencent alors les opérations sérieuses. L’artisane coupe de longues tiges régulières de 20 à 30 centimètres puis les fait tremper dans un grand bac d’eau pendant une semaine. « Il faut bien les nettoyer une par une jusqu’à ce qu’elles soient très propres. C’est fatigant. On doit les laisser dans l’eau, car il ne faut surtout pas qu’elles sèchent. »

Et cette phase de préparation du mautini ne s’arrête pas là. Bien propres, il faut ensuite faire tremper les tiges dans un grand bac d’eau citronnée ! L’agrume va servir à accentuer la blancheur virginale des tiges de mautini qui leur donnera toute leur splendeur finale. Enfin, reste à les faire sécher bien à l’abri du soleil pour éviter qu’elles ne jaunissent.

 

Un savoir-faire unique

 

Munie de ces tiges, Évaline Teotahi va alors s’atteler, comme lui a appris Istela Lehartel, à les enrouler une par une avec une paire de ciseaux pour confectionner des petites frisettes. « C’est un peu comme lorsqu’on enroule de la ficelle pour faire des papiers cadeaux de Noël, sauf que là, c’est très très fragile, il faut faire attention à ne pas les casser, j’en prépare des dizaines comme cela », confie l’artisane, qui avoue que la patience est l’une des clés du tressage du mautini. Outre ces petites frisettes, l’artisane choisit parfois de confectionner d’autres motifs de décoration à l’instar de petites fleurs, qui viendront embellir son travail. Tous ces éléments préparés avec méticulosité sont ensuite assemblés et cousus entre eux en alternant petites frisettes et fleurs selon l’objet souhaité. « Pour faire une couronne, de la phase de préparation à la fin, cela va me prendre environ deux jours, c’est long, mais j’adore faire cela », reconnait-elle un large sourire aux lèvres.

 

Un objet traditionnel pour les grandes occasions

Naturellement la couronne est la reine de l’artisanat de Pueu. Confectionnées par les femmes, les couronnes peuvent être portées par tous, hommes et femmes, lors des grandes occasions, comme ce fut le cas pour le festival du Heiva il y a quelques années par une troupe de Pueu. D’autres objets comme le pō΄ara qui se met de côté sur les oreilles, des boutonnières ou encore des bouquets de mariage sont également réalisés par Évaline Teotahi. Trop fragile, le mautini ne peut être employé pour faire des bijoux.

Si l’artisane a transmis sa passion à sa nièce Tautiti Koheatiu, elle regrette que cette pratique du tressage de mautini se perde. « Nous ne sommes plus que trois à faire du tressage de mautini, certaines savent encore tresser, mais ne le font plus. C’est dommage. J’essaye de former les plus jeunes, de leur apprendre, de faire des ateliers, car le mautini, c’est notre tradition, c’est l’histoire de notre district de Pueu ! »

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