Hiro’a n° 161 – 10 questions à : Gabriel Cavallo, président de l’association Penu d’or et professeur de chant

Propos recueillis par Pauline Stasi – Photos : Pauline Stasi et CAPF

«Populariser l’opéra en langues polynésiennes »

Après plusieurs mois de retard, Gabriel Cavallo dit Gaby va enfin présenter sur scène le 21 mars prochain Te tura mā΄ohi, un opéra en langue tahitienne, adapté d’une œuvre du compositeur italien Pietro Mascagni datant de la fin du 19e siècle.

De quel opéra s’agit-il ?

« Il s’agit de Cavalleria rusticana. C’est un opéra italien, composé par Pietro Mascagni en 1890. Je l’ai choisi car c’est un opéra en un seul acte qui avait été présenté pour un concours, il est donc assez court, il dure seulement une heure et quinze minutes. Il est plus facilement accessible que des opéras de plusieurs actes qui peuvent durer trois ou quatre heures. »

Quelle sont les raisons qui vous ont amené à traduire un opéra en tahitien ?

«  Elles sont multiples. Lors d’un stage de pédagogie de chants à Dunkerque en France, dans les années 1990, on avait fait interpréter plusieurs chants polynésiens aux participants, ils avaient été enthousiasmés, séduits par le résultat. La langue tahitienne avec ses nombreuses voyelles est une langue très mélodieuse. C’est une langue claire. Par ailleurs, il y a aussi de très bonnes voix en Polynésie, et elles sont nombreuses. Elles méritent d’être davantage mises en avant, d’être davantage travaillées, notamment sur le long terme avec le solfège, des exercices, car les voix polynésiennes ont vraiment quelque chose. »

Quelle est l’histoire de cet opéra ?

«  Comme souvent dans les livrets, c’est une histoire d’amour et de jalousie qui se termine en drame avec un combat mortel à la fin entre deux hommes, le mari trompé et l’amant. Dans le livret original, l’histoire se déroule le dimanche de Pâques, j’ai transposé l’histoire à Noël, car le mot Noera est davantage chantant que Pāta (Pâques). J’ai également transposé la scène dans le Tahiti des années 1850-60. »

Comment s’est déroulée la traduction ?

«  La traduction a été complexe, car le tahitien n’a pas du tout la même racine que le français ou l’italien. Ce sont des langues vraiment très différentes, pas comme deux langues latines entre elles où on retrouve la même logique, les mêmes syntaxes de phrases. »

Quels ont été les principaux défis ?

« En premier lieu, d’adapter les paroles à la mélodie. Ensuite, j’ai dû aussi adapter l’expression des émotions au monde polynésien, car un Italien ne va pas exprimer ses émotions de la même façon qu’un Tahitien. Les cultures et les modes d’expression varient énormément selon les cultures. Il fallait trouver quelque chose qui colle avec le tempérament des Polynésiens et non un simple calquage ou une imitation d’une œuvre popa΄ā. »

Quelle sera l’orchestration ?

«  Au départ, il devait y avoir l’orchestre du Conservatoire, mais la Covid-19 a tout perturbé. Certains musiciens ont changé depuis le début du projet avec la rentrée d’août. Finalement, ce sera un groupe restreint de musiciens qui joueront sur scène : un pianiste, un violoniste, un violoncelliste et un flûtiste. »

Parlez-nous également de la mise en scène…

« La mise en scène a été conçue par MarieOdile Dantin. La pièce a été transposée dans le Tahiti d’antan, c’est une mise en scène assez simplifiée avec du ΄ori tahiti, des costumes polynésiens traditionnels. La conduite musicale est menée par Isabelle Debelleix. »

Combien de chanteurs seront présents ?

« Il y aura cinq solistes, Emmanuelle VidalCavallo, Manaarii Maruhi, André-Yves Nasone, Anne Léchard et Ahiata Schyle et une quinzaine de personnes dans le chœur. »

La Polynésie peut-elle être une terre d’opéra ?

«  Oui. Tout à fait. Comme je l’ai dit précédemment, le tahitien avec ses très nombreuses voyelles est très approprié pour l’art lyrique. Des chants traditionnels comme les hīmene rū’au, hīmene tārava, ‘ori tahiti et le ‘ūtē sont vraiment compatibles avec l’opéra spécifiquement polynésien. J’ai l’intime conviction que l’art lyrique peut devenir un vecteur important dans la culture polynésienne. »

Que peut apporter une telle création ?

«  L’opéra est trop méconnu en Polynésie. Cet opéra est comme un appel. Chanter une œuvre comme celle-là dans les langues polynésiennes permet de faire découvrir l’art lyrique à un plus grand nombre de personnes. À travers cette œuvre, j’espère populariser l’art lyrique, l’opéra au fenua. Il existe beaucoup de légendes polynésiennes qui ne demandent qu’à être chantées. Je rêverais qu’un concours de livrets tahitiens voie le jour dans le futur, cela sensibiliserait à cet art et permettrait de créer des opéras dans les différentes langues polynésiennes. »

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Pratique

Opéra tahitien Te tura mā’ohi

  • Au Tahiti by Pearl Resorts, salle Endeavour
  • Dimanche 21 mars
  • Tarif : 1 500 Fcfp
  • Renseignements au 40 501 414
  • www.conservatoire.pf

Sous condition de l’évolution de la situation sanitaire et dans le respect des mesures sanitaires : masque obligatoire, distanciation, gel hydro-alcoolique, capacité d’accueil de 50 %.

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