Hiro’a n°157 – La Culture bouge : Le Hura Tapairu face à la crise sanitaire

Le Hura Tapairu face à la crise sanitaire

 

Rencontre avec Vaiana Giraud, responsable de la communication et de la production à la Maison de la culture. Texte : Esther Cunéo – Photo : Matareva.

 

Preuve que l’engouement pour le Hura Tapairu ne tarit pas, malgré la crise sanitaire, 40 formations avaient répondu présent à la 16e édition initialement prévue du 25 novembre au 5 décembre au Grand théâtre de la Maison de la culture.

 

Pour son 16e anniversaire, le Hura Tapairu n’avait pas prévu la Covid-19. L’invitée surprise a contrarié le rendez-vous désormais incontournable de la scène polynésienne, mais chacun y a cru jusqu’au bout. En témoigne la participation prévue au concours : 40 formations, dont onze Tapairu. Soit presque autant que l’an dernier. Mais si les artistes sont fidèles, le couvre-feu décide par les autorités et l’aggravation de la situation sanitaire a mené, après de multiples solutions envisagées, à l’annulation du concours. La Maison de la culture avait pris toutes les précautions. Port du masque, gel hydroalcoolique, distanciation sociale : consignes de sécurité sanitaire obligent, l’accès des spectateurs comme des danseurs etait soigneusement règlementé. ≪ Cependant, il était essentiel de donner la priorité à la sécurité de la population, et préférable au final de ne pas maintenir un événement qui conduisait les groupes à se réunir et à répéter pour un concours ≫, indique Vaiana Giraud, responsable de la communication et de la production pour la Maison de la culture. A l’instar de ce qu’on trouve dans la plupart des espaces publics, une chaise sur deux devait rester vacante. Soit 400 sièges sur un total de

  1. A cela s’ajoutait la désinfection de la salle entre deux séances.

 

Relais numérique avec live payant

Pour eux comme beaucoup d’autres dans le milieu de l’évènementiel, cette édition aurait dû s’appuyer sur un relais numérique. Mis en place depuis le mois d’aout, le site internet (maisondelaculture.pf ) devait permettre de relayer le Hura Tapairu au format payant. ≪ On est bien conscients que le public polynésien n’en a pas l’habitude, nuance Vaiana, mais le dispositif aurait permis de conserver la visibilité des groupes et la notoriété de l’événement. ≫ En outre, le relais numérique ouvrait l’accès aux amateurs extérieurs de ’ori Tahiti. Et il y en à quelques-uns. C’est que l’évènement bénéficie d’un véritable engouement dans le monde pour la discipline. Assez pour justifier l’ouverture d’une catégorie ≪ internationale ≫ en 2017 : le Hura Tapairu Manihini. Adapte aux formations étrangères passionnées de ’ori Tahiti, ce ≪ concours dans le concours ≫ permet d’observer l’évolution de la discipline au-delà de nos frontières. L’année dernière elle avait accueilli quatre groupes : Universidad de Mexico, Tiare Tahiti Mexico venus du Mexique, la célèbre compagnie de danse américaine Nonosina, ainsi que la troupe japonaise Hui Hula O Lei Aloha, qui avait remporté le prix Mehura de sa catégorie.

 

Rendez-vous de passionnés de ’ori Tahiti,le concours s’est professionnalisé au fil du temps. ≪ On voit le soin que les groupes apportent au « détail » : synchronisation des chorégraphies, expression du thème ; les costumes et l’interprétation du theme jusque dans les coiffures et le maquillage ont aussi pris une grande place dans le concours, développe Vaiana. Avec 15 à 20 danseurs maximum, il est possible de mettre plus de moyens, plus d’énergie dans ces aspects-là que dans un groupe de 200 personnes. ≫ Les chefs de troupe s’imposent un niveau d’exigence toujours plus élevé. Entrainant dans leur sillage les membres du jury, tenus d’être encore plus précis et justes dans les notations. Il s’agit pour le jury de ≪ rester en adéquation avec l’évolution des groupes ≫ sans pour autant lésiner sur l’exigence qui fait la réputation de la compétition.

 

Encadré 1

Les membres du jury

On les retrouve tous les ans parmi les membres du jury. Moana’ura Tehei’ura, chorégraphe et metteur en scène indépendant, Vanina Ehu, enseignante au Conservatoire et chorégraphe, ainsi que Matani Kainuku, chef du groupe Nonahere et chorégraphe étaient sollicites cette année encore. Pas question de se passer de leur expertise. ≪ Ils ont tout l’historique de l’événement, justifie Vaiana Giraud. Le recul et la connaissance qu’ils ont accumulés sur les quinze dernières années comptent beaucoup pour nous. Ils ne font pas que juger les groupes, ils mesurent le niveau du Hura. ≫ Le jury devait compter également dans ses rangs Taina Tinirauarii, Taero Jamet et Heimoana Metua.

 

Encadré 2

Un laboratoire de créativité depuis 2004

Avant de s’imposer dans le paysage culturel polynesien, le Hura Tapairu est créé en 2004 par la Maison de la culture comme une ≪ alternative ≫ s’adressant aux formations restreintes en nombre d’artistes, afin de proposer un autre concours que le Heiva i Tahiti. La scène mythique de To’atā exige un investissement humain et financier considérable, qui ne permet pas à toutes les structures de s’y engager.

Plus accessible, le concours impose aujourd’hui des critères de notation différents, offrant plus de latitude aux groupes. ≪ La simplicité du règlement et les règles moins nombreuses permettent une créativité exacerbée dans tous les domaines : la mise en scène, les thèmes eux-mêmes, les costumes ≫, poursuit Vaiana. C’est un laboratoire : on voit certains groupes y tester des costumes, mais aussi former ou éprouver un ’ōrero, un musicien, un auteur. C’est enfin le moyen de confirmer et consolider une base qui va pouvoir etre le noyau d’un groupe pour le Heiva suivant, dans le cas des groupes engagés dans les deux formats. ≫ Le concours fait donc office de tremplin pour de nombreuses formations, permettant à de jeunes talents de s’exprimer et de se faire connaitre du grand public. Après avoir expérimenté le Hura Tapairu, des groupes comme Hei Tahiti ou Hitireva se sont lancés avec succès dans la course au Heiva i Tahiti. Et inversement. La compétition compte régulièrement des grands du Heiva dans ses rangs comme Tamariki Poerani, Temaeva, ou Tahiti Ora, attirés par ce nouveau terrain d’expression. Ils participent aux côtés de groupes de très grande qualité, issus d’écoles de danse, de regroupement d’artistes et d’amis, de comités d’entreprise… qui tous au final, quelle que soit leur motivation à participer, fondent la grande famille du ‘ori tahiti.

 

 

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