Hiro’a n°155 – Trésor de Polynésie : Paulina Morgan, une autre grande figure disparait

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TRÉSOR DE POLYNÉSIE – Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau

Paulina Morgan : une autre grande figure disparait

Rencontre avec Arii et Mahine, les enfants de Paulina Morgan, Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire, Vanina Ehu, professeure de danse, Roméo Tauraa, ancien danseur et musicien de la troupe Tiare Tahiti. Texte : Vaea Deplat – Photos privées : avec l’aimable autorisation des enfants de Paulina Morgan

2020 est une année particulièrement éprouvante pour la culture polynésienne. Après les disparitions de Coco Hotahota le 8 mars à soixante-dix-huit ans, et de Louise Kimitete le 25 du même mois à quatre-vingt-un ans, c’est celle qui les a précédés, Paulina Morgan, qui nous a quittés dans sa quatre-vingt-huitième année, le 30 juillet dernier.

« Mamie, c’est toute une vie ! », s’exclament Arii et Mahine, les deux enfants de Paulina Morgan. Née Ng Wao Fou Mihiarii Paulina, d’un père chinois, celle qui deviendra l’une des premières cheffes de troupe de ’ori tahiti est adoptée par la famille Maoni-Tuturu et grandit à Hitia’a. Aînée de quatorze enfants, elle travaille très jeune : pêche, fa’a’apu, charbon, et phosphate à Makatea. Là-bas, elle découvre les danses d’un groupe des îles Cook. C’est la révélation. Dès son retour à Papeete, à la fin des années 1950, elle intègre la fameuse troupe emmenée par Madeleine Mou’a, Heiva Tahiti, toute première formation de ’ori tahiti. Dès 1960, elle prend la tête de sa propre troupe avec Salomon, deux ans avant la création de Temaeva. Tiare Tahiti accueille dans ses rangs Gilles Hollande, Marguerite Lai ou encore les filles Robinson.

Des tournées dans le monde à l’enseignement au fenua

Partie prenante du mouvement de renaissance de la danse traditionnelle tahitienne, Tiare Tahiti se produit dans le monde entier. Ancien danseur et musicien, Roméo Tauraa évoque les tournées au Japon, en France, aux États-Unis, à Fidji, au Liban, mais aussi les shows dans les grands hôtels des années 1970 : le Tahara’a, le Tahiti Village, le Matavai, le BeachComber ou encore le Maeva Beach. La troupe réunissait à l’époque une douzaine de musiciens, et une vingtaine de danseurs et danseuses. Quant aux festivités du Tiurai, Tiare Tahiti les remportera deux années consécutives, en 1977 et 1978.

Après être passée par l’enseignement du Koo Men Tong à Papeete où elle apprend le hakka, Mama Paulina enseigne dès 1980 les arts traditionnels dans les écoles maternelles et primaires sur l’ensemble des districts de Tahiti, via l’Otac. Lorsqu’elle rejoint l’équipe du Conservatoire artistique au moment de la création de l’établissement, elle met en place les premières bases du ’ori tahiti en tant que première enseignante. « C’est à elle que nous devons l’arrivée de Mamie Louise – son assistante qui prendra ensuite sa relève et poursuivra son œuvre pendant plus de trente ans », se souvient le directeur, Fabien Mara Dinard. « Aujourd’hui, ce sont plus de mille élèves qui pratiquent les arts traditionnels au Conservatoire. Je ne peux m’empêcher de penser à celles qui, les premières, ont planté dans des milliers de cœurs cette petite graine d’amour pour notre culture et notre fenua. »

Après trente-quatre ans d’un engagement sans faille auprès de la culture polynésienne, Mama Paulina prend sa retraite en 1992. Elle donnera ensuite des cours de danse au sein de l’association Vahine Porinetia. « Mais elle a toujours conservé un rôle au sein du Conservatoire, même après son départ. Lors de grands événements, elle venait toujours nous prêter main forte pour les costumes, les couronnes. Tant qu’elle a pu », raconte Vanina Ehu, professeure de danse au CAPF. « En lui rendant hommage aujourd’hui, nous reconnaissons toute la richesse de l’héritage laissé par nos grands anciens, ainsi que notre devoir de poursuivre leur œuvre de transmission des savoirs, afin que demeurent danseurs, musiciens, chorégraphes et maîtres de ballet », s’émeut le ministère de la Culture dans un communiqué.

’Ia maita’i tō ’oe tere Mama Paulina ! ’A fano

Leg :

Louise Kimitete et Paulina ont enseigné au Conservatoire.

Paulina a créé la troupe Tiare Tahiti.

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