Hiro’a n°152 – L’oeuvre du mois : Un combat divin, thème du gala du CAPF

Conservatoire artistique de Polynésie française (CAPF) – Te Fare Upa Rau L’œuvre du mois

Rencontre avec Vaihere Cadousteau, auteure. Texte : MO – Photo : CAPF et Vaihere C.

 

Un combat divin, thème du gala du CAPF

Actualité oblige, le gala du Conservatoire prévu à la fin du mois de mai est reporté à décembre. En attendant, Vaihere Cadousteau, son auteure, nous explique le thème du spectacle.

 

Vaihere Pohue-Cadousteau est l’auteure du thème de la soirée de gala de fin d’année du Conservatoire artistique de Polynésie française : un combat entre deux divinités polynésiennes, Tāne et Ātea, ou Le voyage de Tāne et son combat contre Ātea (Te tere o Tāne e tōna ’arora’a ia Ātea). « Ce thème fait partie des récits épiques et cosmogoniques que j’ai le plus appréciés dans mes lectures de légendes polynésiennes. C’est également un thème qui, de par sa richesse, permet d’aborder notre culture dans sa complexité en passant par l’étude des dieux polynésiens, l’astronomie, la cosmogonie, la thématique de la rivalité, de la guerre, tout en évoquant des valeurs communes que l’on retrouve dans la civilisation occidentale comme l’humilité et le respect », explique Vaihere Cadousteau. C’est d’ailleurs un thème sur lequel elle a déjà travaillé avec les Tamarii Tipaerui, il y a quatre ans, mais qu’elle a plaisir à reprendre et à adapter pour le gala du Conservatoire.

 

Des recherches littéraires

L’origine de ce spectacle est un texte publié sur cinq pages du célèbre ouvrage Tahiti aux temps anciens de Teuira Henry. « Cependant, elles forment uniquement les deux tiers du spectacle car, pour évoquer la première partie que j’ai ajoutée, j’ai fait des recherches dans d’autres pages du recueil, notamment dans les trois différents récits de la création du monde répertoriés et dans ceux de la formation des dieux Tāne et Ātea, précise Vaihere. J’ai également puisé mes sources dans le cinquième ouvrage de Charles Teriiteanuanua Manu-Tahi intitulé Le mystère de l’univers mā’ohi (Te parau huna o te ao mā’ohi), des éditions Veia Ra’i. Véritables petits trésors de connaissances, ils nous éclairent sur les mystères de ce que furent jadis les croyances des Polynésiens. »

 

Un message comme un appel à la paix

Par ce thème, Vaihere Cadousteau veut faire passer un message. « À l’époque où j’avais écrit ce thème, beaucoup de notions s’étaient bousculées dans ma tête. Le voyage initiatique de Tāne est celui de tout homme en quête de savoir et de développement personnel mais surtout de tout homme orgueilleux en quête de gloire. Ātea, de par son impassibilité, est à la fois le parent, la figure qui rattache l’homme à ses origines, à ses racines, cette forme invincible qu’est la sagesse à l’état pur, la tempérance. Ta’aroa est la naissance, le point zéro de tout, Tāne également, par sa naissance difforme et sa construction. Petit à petit, tel un projet improbable, l’informe prend forme. Il est le dieu de la beauté mais aussi l’orgueilleux prêt à maudire son ascendant. Il est la guerre, tandis qu’Ātea est la paix, il est la fierté tandis qu’Ātea est sagesse mais il est aussi la provocation, la haine, l’échec tandis qu’Ātea est la victoire impassible, invincible. Ce thème fait voguer dans les strates du ciel jusqu’au Vai-ora mais il ramène aussi l’homme à sa place, à ses racines ancrant ses pieds profondément dans le sol. Heureusement, il y a prise de conscience et Tāne réapprend le respect et l’humilité, ce qui aboutit à la paix. » Pour conclure, « ce thème est un appel à l’humilité, au respect et à la paix, un message d’espoir et encourageant l’homme à l’instruction notamment par la connaissance de son patrimoine. Un thème propice en ces temps de crise, soyons donc aussi combattifs que Tāne avec toutefois toute la modération du grand Ātea ! Normalement, le final est une grande réconciliation ».

 

Les arts traditionnels à l’honneur

Si Vaihere a travaillé seule sur l’écriture du thème du spectacle, ce sont les professeurs du Conservatoire, dans le domaine des arts traditionnels, qui ont écrit les chants et déclamations et se sont chargés des compositions musicales. Parmi eux, Myrna Tuporo communément appelée Mama Iopa et Mike Teissier, professeurs de chant, ainsi que John Mairai, professeur de ’ōrero et de culture générale. Un travail d’équipe donc auquel se sont joints les professeurs de musique Roger Taae, Steve Angia, Nohorai Temaiana et Ena Tiheni. Le spectacle en lui-même déclinera « une trentaine de petits tableaux selon l’ordre chronologique et linéaire de la légende et selon la thématique segmentée », explique l’auteure. Ce sont les différentes classes d’âge qui auront la lourde mais néanmoins gracieuse tâche de les interpréter face à un public d’ores et déjà conquis. « Ces classes comptent les plus jeunes élèves, les Tamahou, puis les Tamahotu, les Tamatupu, les Taure’a, les classes CHAD de Tipaerui, Maco Tevane, Ste Thérèse, NDA puis les ’Aito et Tamahine. » Après les traditionnels discours d’accueil, les élèves présenteront le Rautitoa écrit par John Mairai et servant d’introduction et d’apostrophe au public. « Le thème sur Tāne et Ātea commencera par un ’ōrero et une mise en scène de l’ensemble des classes sur le thème de la coquille de Rumia pour contextualiser l’histoire entre les deux dieux précités. S’en suivront des ’ōte΄a, des ’aparima et des pāta’uta’u ou des ’aparima vāvā entrecoupés de ’ōrero. À l’intérieur seront interprétés un tārava raromata΄i et un ΄ūtē », précise Vaihere Cadousteau.

 

Un hommage à ceux qui nous ont quittés

Vaihere Cadousteau est très fière d’avoir contribué au spectacle du gala de cette année car elle est elle-même une ancienne élève de l’établissement. Elle dédie donc son œuvre aux anciens : « Je tenais aussi à rendre hommage à la grande Ātea ou Ta’ere mā’opo’opo qui nous a quittés, en la personne de Mamie Louise Kimitete, celle qui, avec Vanina Ehu, Coco Hotahota et toutes les personnes qui m’ont entourée, fait partie des instructeurs m’ayant formée en tant qu’artiste et pour qui je suis fière d’avoir écrit cette année. Tout comme Ātea, son esprit, leurs esprits nous entourent d’est en ouest, du nord au sud. »

 


Vaihere Pohue-Cadousteau, une auteure reconnue

Vaihere est professeure de lettres modernes au collège de Tipaerui depuis quinze ans et référent culturel depuis trois ans au sein du même établissement. Après une médaille d’or de danse en 2002, sept ans au sein du Conservatoire et de la troupe de danse Temaeva de Coco Hotahota, Vaihere devient, un peu par hasard, auteure de thèmes de Heiva pour la troupe Tamarii Tipaerui de 2004 à 2016. Alors qu’elle n’est pas encore une locutrice aguerrie du reo tahiti, elle accepte toutefois de rendre service à son frère John Cadousteau, nommé chef de groupe, en écrivant un ’aparima sur la thématique de la pirogue Patarava. Par la suite, il la sollicitera encore durant près de neuf Heiva presque consécutifs. Tamarii Tipaerui, groupe amateur en 2004, deviendra lauréat de sa catégorie la même année et entrera donc dans la catégorie professionnelle.

 

Le palmarès de Vaihere Cadousteau

  • Médaillée d’or de danse du Conservatoire en 2002.
  • Meilleure auteure du Heiva en 2009 sur la légende de Paitoanu’u, te a’itau’a.
  • Prix spécial du meilleur auteur-compositeur avec son frère John Cadousteau au Hura Tapairu pour le Heiva 2009 (Vaihere pour l’écrit, son frère pour la composition de No te aha teie huru e).
  • Meilleure auteure du Hura Tapairu 2018 pour le groupe Manahau (Vigilance et bienveillance) Te pāitora΄a e te au-maita΄i-ra’a sur la thématique des Hiva.
  • Auteure du Hura Tapairu de Toahiva en 2017.
  • Auteure du Heiva Mata’eina’a pour les troupes Tamarii Papeari vers 2017 et ’Apa’ura en 2018.
  • Jury du Heiva i Tahiti en 2010, 2011, 2017, 2018, 2019.

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