N°130 – Le umu ti, une tradition ouverte à tous

Rencontre avec Raymond Graffe, tahua, organisateur de la marche sur le feu. Texte : Élodie Largenton.130 - Le saviez-vous - Marche sur le feu - Raymond Graffe 01 - Photo de Elodie

C’est en marchant sur des pierres chauffées à blanc que l’on se prépare à un mois de festivités : depuis plus de 60 ans, la cérémonie du umu ti précède le Heiva. Le rite ancestral attire de plus en plus de touristes étrangers.

Un couple d’Américains est venu se fiancer, il y a trois ans, sur les pierres chauffées du Mahana Park, dont la température en surface peut dépasser les 2 000° celsius. L’année d’après, le tahua a reçu une photo souvenir des touristes, désormais mariés. « C’est sympa », pense Raymond Graffe, qui veut « partager le feu purificateur, le feu sacré, avec tout le monde ». La marche sur le feu, « ce n’est pas une activité folklorique, ce n’est pas un spectacle, tu es un participant, c’est toi qui traverses », explique-t-il. Quant au côté spirituel, il repose sur le tahua et son équipe.

La préparation est longue. Avant chaque umu ti, Raymond Graffe s’isole dans la montagne pendant une semaine pour se préparer spirituellement, « communiquer avec les dieux ». Il faut aussi préparer le matériel : les pierres, qui viennent des embouchures de rivières, le bois de aito qui sert de combustible, et des feuilles séchées de cocotier. Comme le bois doit être demi sec, il faut s’y prendre à l’avance, « dès que le umu ti est fini, on va couper d’autres arbres pour celui de l’année d’après », raconte Raymond Graffe.

Un rite qui a quasiment disparu en Océanie

Ce n’est pas dans les livres qu’il est allé chercher le mode d’emploi de ce rite ancestral, mais dans la vallée. « Aucun de mes ancêtres n’avait fait ça, alors je me suis isolé pour consulter les dieux et attendre leur réponse », raconte-t-il. Le premier test a eu lieu le 23 juin 1983, a Papara, le personnel de l’Otac et quelques invités ont traversé la fournaise sans difficulté, preuve que Raymond Graffe « détient le pouvoir du umu ti ». Un pouvoir jamais démenti jusqu’à ce jour, le tahua organise toutes les cérémonies qui précédent le Heiva et il a participé à de nombreux festivals des arts du Pacifique, en Australie, aux Samoa ou en Nouvelle-Calédonie. À cette occasion, il a pu constater que le rite n’est plus pratiqué dans les autres pays de la région, sauf aux Fidji, ou une marche sur le feu est organisée « dans un hôtel, quelques soirs par mois, mais les touristes doivent se tenir à distance de la fournaise, ils n’ont pas le droit de marcher sur les pierres chauffées et doivent se contenter de prendre des photos », raconte Raymond Graffe. Alors pour partager le pouvoir de la marche sur le feu avec d’autres chefs spirituels, le tahua a l’intention de se rendre en Inde, ou les pas se font sur des braises et non sur des pierres volcaniques.

Une cérémonie liée à la survie alimentaire

À l’origine, la cérémonie du umu ti est liée à la cuisson au four traditionnel de racines de ti (provenant du ‘auti) pour faire face à la disette. Il fallait survivre à la saison sèche, matari’i i raro, mais aussi aux nombreux conflits entre chefferies. En prévision de ces périodes de restriction, la population allait récolter des tubercules de ti et demandait au grand prêtre de préparer un feu. Après la traversée du feu par le prêtre et ses officiants, la nourriture était cuite pendant quatre à cinq jours. Puis, le four était ouvert et les tubercules étaient distribués aux différents districts qui avaient ainsi de quoi se nourrir pendant plusieurs mois.

Pratique

• Mahana Park (Punaauia)

• Samedi 30 juin à 18h

• Tarif unique : 3 500 Fcfp

• Vente des billets à la Maison de la culture

• Renseignements auprès de Nini au 87 78 54 75, www.heiva.org

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