N°130 – Intervention de la France aux Tonga en 1852

Rencontre avec Michel Bailleul, docteur en histoire et intervenant au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel. Texte : Élodie Largenton. Photos : SPAA.130 - Le saviez-vous - Étude SPAA Intervention aux Tonga 01

Le Service du patrimoine archivistique et audiovisuel met à disposition du public sur son site internet toute une série d’études épistolaires et bibliographiques concernant des livres et documents rares du fonds archivistique conservé. Ce mois-ci, le Hiro’a vous embarque aux Tonga, sur fond de conflit entre missions protestante et catholique.

À partir d’une lettre conservée aux archives, Michel Bailleul retrace l’histoire d’une intervention française aux îles Tonga. Cette lettre du 9 mars 1853 est signée du secrétaire d’État de la Marine et des Colonies, Théodore Ducos. Il répond point à point à un courrier envoyé par le commissaire impérial aux îles de la Société, le capitaine de vaisseau Théogène-François Page, également commandant de la division navale de l’Océanie. « Des événements de nature fâcheuse se seraient passés aux îles Tonga. Un chef animé d’une rage fanatique contre la religion catholique aurait gravement maltraité nos missionnaires, pillé et démoli leur église et leurs cases, saccagé leurs plantations. Ce furieux, non content de persécuter notre culte aux Tonga, voudrait également l’anéantir aux Îles Wallis et préparerait, dans ce but, contre ces îles, une expédition prochaine. Enfin, nos navires de commerce ne pourraient plus se présenter avec sécurité dans l’Archipel placé sous sa domination ».

À cette époque, il y a en effet une forte rivalité entre protestants wesleyens et catholiques aux Tonga, où règne le roi George Tupou 1er. « Celui-ci, poussé par les missionnaires protestants, fait la guerre aux indigènes restés païens, et par la même occasion aux indigènes convertis au catholicisme, en prenant bien soin de ne pas attenter à la vie des missionnaires », précise Michel Bailleul. Or, il y a aux Tonga quatre missionnaires catholiques français, dont le père Calinon, qui décide d’alerter les responsables français à Tahiti. Dans un premier temps, il semble que Théogene-François Page ne s’intéresse pas à cette affaire, mais sur l’insistance de l’évêque Tepano Jaussen, il finit par confier au lieutenant de vaisseau Belland, commandant la corvette Moselle, une mission d’enquête sur les faits rapportés par le missionnaire.

Tahiti « supervise » alors ce qui se passe dans le Pacifique

La Moselle quitte Papeete le 29 octobre 1852, à destination de Sydney en passant par Tongatapu*. Aux Tonga, le lieutenant de vaisseau Belland devait « éviter toute apparence d’intervention armée (…), mais montrer par la présence de notre pavillon que nul ne pourrait impunément porter atteinte aux personnes ni aux biens de nos nationaux ». Il devait aussi faire en sorte de protéger les autres établissements européens afin d’être « en droit, dans les circonstances analogues, de réclamer les mêmes ménagements ».

La Moselle rentre à Tahiti le 9 mars 1853**, mais les missionnaires catholiques sont très mécontents de la façon dont Belland, lui-même protestant, a mené l’enquête. Le père Calinon ne relâche pas ses efforts pour que les torts subis par la Mission catholique à Tongatapu soient réparés. S’il n’est pas écouté par Théogène-François Page, il parvient à capter l’attention de son successeur, Eugène Du Bouzet, qui s’inquiète des velléités du roi George de se rendre à Wallis pour y étendre son autorité. Il décide de se rendre aux Tonga en 1855 et les deux responsables concluent une convention accordant la liberté de culte aux catholiques.

Pour Michel Bailleul, ce document des archives révèle « un aspect de la politique coloniale de la France dans le Pacifique. Il fallait se faire respecter, protéger les ressortissants français mais éviter d‘entrer dans un conflit armé ». Cela montre aussi que jusqu’en 1853, « c‘est Tahiti qui « supervise » tout ce qui se passe dans l‘océan Pacifique ».

* Messager de Tahiti n°6 du 31 octobre 1852

** Messager de Tahiti n°11 du 13 mars 1853

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