N°128 – La mystérieuse pierre-cochon des ‘arioi de Opoa

 

Service de la culture et du patrimoine (SCP) – Pu no te ta’ere e no te faufa’a tumu128 - Rdv Taputapuatea - Cochon SCP

Rencontre avec Edmée Hopuu, agent du bureau des Traditions orales au Service de la culture et du patrimoine. Texte : Élodie Largenton. Photo : SCP.

 

 

 

Après avoir découvert la pierre-baleine/cachalot dans le Hiroa précédent, nous nous intéressons à la pierre cochon, qui se trouve également sur le site du Paysage culturel Taputapuātea. Cette pierre légendaire dite ‘ofa’i pua’a serait liée à l’histoire de la confrérie des ‘arioi, des rites et mythes du Dieu Oro.

 

Seuls quelques habitants de Opoa ont vu cette pierre cochon, ‘ofa’i pua’a. D’après Ieremiah Pani, dit Papa Pua, membre du conseil des sages de Opoa et décédé en juin 2016, cette pierre avait été ensevelie lors des travaux d’installation du réseau hydraulique a Opoa. Il avait participé à l’enfouissement de cette pierre sur le bas-côté de la route principale, non loin d’une des entrées du site. Le Service de la Culture et du Patrimoine a recueilli son témoignage : « Je me souviens qu’à l’époque, pendant les travaux d’aménagement routiers et hydrauliques, il y avait cette pierre à laquelle personne ne faisait attention. Elle avait la forme d’un cochon. Oui, je l’ai vue. Nous avions creusé un trou et nous l’avions enfouie au même endroit. » L’emplacement de la pierre est donc connu, mais elle reste un mystère pour les visiteurs du Paysage culturel Taputapuātea.

 

Le SCP envisage de marquer un jour l’entrée de la pointe Mātā-hira-i-tera’i avec cette pierre une fois extraite qui pourrait être mise en valeur : Te Pa’e-pua’a-mā’ohi. Le cochon sauvage, émanation du dieu ‘Oro-taua, dont la mâchoire supérieure pointait vers le ciel et la mâchoire inférieure pointait vers la terre signifiait que la bouche du dieu ‘Oro-taua était ouverte et prête à dévorer le ari’i, le va’a mataeina’a et le fenua tout entier si quelqu’un osait enfreindre les tapu.

 

Le témoignage essentiel des Papas de Opoa

 

Elle pourrait être positionnée côté montagne et faire office de gardien de l’entrée que tous les visiteurs pourront approcher, avant de pénétrer, en toute humilité, dans l’autre partie de l’espace sacré, côté mer. Ce projet a été inspiré des échanges avec le comité des sages dont font également partie Kaina Tavaearii dit Papa Maraehau et son aîné, Timiona Tavaearii dit Papa Timi détenant nombre de sources d’information largement utilisées pour le dossier de candidature du paysage culturel Taputapuātea au patrimoine mondial de l’Unesco.

 

Lors des travaux de recueil auprès de ces anciens de Opoa, le service a pu récolter un certain nombre d’informations sur la toponymie du Paysage culturel Taputapuātea. Cela a permis de connaître l’emplacement des trois maisons des ‘arioi à Opoa – fare Nanu’u, fare ofe et fare mei’a. Or, ces maisons se situent à 100 m de l’endroit ou est censée se trouver la pierre cochon. Le SCP émet donc

« l’hypothèse qu’il s’agissait de la pierre des ‘arioi », explique Edmée Hopuu. En l’absence d’informations supplémentaires de la tradition orale, il a fallu replonger et revisiter une partie de l’histoire de la société des ‘arioi, qui a séduit notamment les premiers navigateurs, dont Jacques-

Antoine Moerenhout qui affirme, en 1837, que « c’était bien certainement une institution religieuse ». Il fait le lien entre le culte de ‘Oro et les ‘arioi dont le rôle était l’initiation aux mystères du dieu ‘Oro. Selon Edward Smith Handy et Teuira Henry, l’origine de la société des ‘arioi remonterait au règne de Tamatoa I’incarnation de ‘Oro, qui fut le premier ‘arioi. « C’étaient des lettrés et des acteurs de grand talent, choisis dans toutes les classes et tenus en haute estime par tous », écrit ainsi Teuira Henry. Pour retracer le passé enfoui de cette pierre, de plus amples recherches et études comparatives seront menées par le Service de la Culture et du Patrimoine.

 

Encadré

« Ces deux cochons devinrent les dieux des arioi »

Voici un extrait tiré de l’ouvrage de Teuira Henry (Tahiti aux temps anciens, 2004 : P239).

« Orotetefa et Urutetefa furent les serviteurs de ‘Oro et ses sœurs. Ils furent changés en cochons, l’un en verrat et l’autre en truie… ‘Oro les nomma tous deux ‘Oro-i-tepuaa-mahui (‘oro dans le cochon révélant des secrets) et décida qu’ils ne seraient jamais mis a mort. « Maintenant, déclara triomphalement ‘Oro, j’ai un cadeau digne de mon épouse » et ce disant il les emmena sur terre, en descendant le long de l’arc en ciel… Arrivé aupres de sa femme, ‘Oro lui présenta les deux animaux avec un bouquet de plumes rouges qu’il appela Uru-maru-no-te-‘arioi (bosquet ombreux des ‘arioi). Ces deux cochons devinrent les dieux des ‘arioi, gardant leurs noms Urutetefa et Orotetefa.

  • La nuit suivante la truie mis bas 5 petits porcelets mâles.
  • Le premier était le premier cochon sacré des ‘arioi et fut nommé ‘Oro-ite-tea-moe,
  • Le second fut jeté a la mer et devint un marsouin ;
  • Le troisieme devint un animal familier de l’épouse d’’Oro ;
  • Le quatrieme était destiné a etre envoyé en différents pays et
  • Le cinquieme était réservé pour le marae ; il était sacré et portait une cordelette sacrée dans son groin. »

 

 

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