N°128 – ‘Atae : l’avatar végétal de la baleine à bosse

 

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Te Fare Manaha128- oeuvre du mois - atea 02

 

Rencontre avec Vairea Teissier, en charge de la médiation culturelle. Texte SF. Photos MTI.

 

L’Erythrinatahitensis, ‘atae ‘ōviri, est un arbre endémique de la Polynésie française. Ce spécimen rare situé dans les Jardins de Hiti du Musée de Tahiti et des îles est l’avatar végétal de la baleine. Le Hiro’a vous propose de le découvrir…

 

La symbolique de cette espèce est très notoirement connue. De tout temps, les différentes espèces d’érythrines ont représenté l’avatar végétal de la baleine à bosse. Non seulement ses gousses ont l’aspect de ce mammifère incontournable de la Polynésie, mais en plus, cet arbre fleurit lors de l’arrivée des baleines dans les eaux polynésiennes. Parmi les 200 espèces végétales des Jardins du Musée de Tahiti, on retrouve cet ‘atae ‘ōviri, arbre sélectionné notamment pour son importance dans la culture polynésienne. Planté en novembre 2009, le ‘atae ‘ōviri a débuté sa première floraison en octobre 2013. « Cette semaine-là, nous avons eu un ballet de baleines à Nu’uroa, dans la baie de Punaauia : on comptait entre six à quatorze baleines par jour !, confie Vairea Teissier en charge de la médiation culturelle au musée. Ce qui est magique, c’est de voir ce lien harmonieux entre la terre et la mer. Tout est lié. » Ce spécimen rare n’est pas le premier du jardin du musée. Un autre ‘atae ‘ōviri avait été, en effet, planté lors de la mise en place des jardins en 1977 mais il n’a malheureusement pas survécu. Les botanistes ont souhaité le remplacer par un plant qui vient probablement de la population naturelle du plateau Tetamanu de la vallée de la Punaru’u. « L’autre espèce, l’Erythrine variegata, ‘atae, est un arbre connu et possède plusieurs cultivars* mais souvent on le confond avec le flamboyant à cause de ses fleurs de couleur orangée », explique Vairea Teissier.

 

Un arbre rare

 

L’Erythrinatahitensis, ‘atae ‘ōviri, est un arbre qui comprend au moins six espèces à Tahiti. Il peut atteindre jusqu’à 15 mètres de hauteur, son écorce est orangée et comporte quelques excroissances irrégulières. Quant à ses fleurs, elles peuvent être de couleur jaune ou rose saumoné. D’ailleurs, le premier du genre au musée avait des fleurs jaunes alors que celui planté en 2009 produit des fleurs de couleur orangée… Cet arbre, dont les feuilles disparaissent lors de la période fraîche, signe avant-coureur de la floraison et ainsi de l’arrivée des baleines dans nos eaux, est aujourd’hui rarissime à Tahiti. Seule une quarantaine de pieds adultes sont connus et restreints aux pentes et falaises sèches du quart nord-ouest de l’île, entre les vallées de Papeno’o et ’Orofero. Menacé par les plantes envahissantes, les herbivores et une micro-guêpe, il est protégé par la réglementation depuis 1996 et fait l’objet d’actions de conservation depuis 2008. Celui qui se trouve dans les jardins du musée est malheureusement malade, il a été contaminé par les micro-guêpes et est aujourd’hui condamné à mourir. « Ce sont les botanistes qui nous l’ont dit et il n’a plus fleuri depuis l’année 2013 », regrette Vairea Teissier.

 

Une symbolique forte

 

Si la perte du ‘atae ‘ōviri dans les Jardins de Hiti du musée de Tahiti et des îles semble malheureusement inévitable, il est encore temps pour les visiteurs de découvrir cet arbre incontournable de la culture polynésienne. Incontournable pour sa rareté mais aussi pour sa symbolique de la baleine, tres importante pour les Polynésiens. « La baleine représente entre autres l’ancêtre fondateur d’une lignée. Certaines familles l’ont comme tāura, ou gardien », souligne Vairea Teissier. Un spectacle qu’il est possible d’imaginer lorsque cette espèce migratrice, qui passe les étés dans les eaux froides mais qui s’accouple et se reproduit dans les eaux tropicales et subtropicales au début de l’hiver austral, arrive dans la baie de Punaauia, juste en face du musée de Tahiti et des îles. C’est à cet endroit-là, face au lieu dénommé Vaiparāoa, que les mammifères se montrent et que, chaque matin, les cétacés comme les dauphins à long bec offrent un magnifique ballet…

 

Propos scientifiques extraits de J.F. Butaud : Te ohi o te fenua, guide floristique des jardins du musée. Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha, Punaauia 2016.
* Variété de plante (arbres compris) obtenue en culture, généralement par sélection, pour ses caractéristiques réputées uniques.

 

 

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