N°119 – Redécouvrir des jeux du passé grâce à l’exposition de la SEO

 

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Te Fare Manaha AFFCIHE_(A3)V411

Rencontre avec Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles. Texte : Elodie Largenton

 

Dans le cadre de l’exposition célébrant le centenaire de la Société des études océaniennes (SEO), le Musée de Tahiti et des îles met en avant vingt-deux objets issus, pour la plupart, du fonds conservé par la SEO. Plusieurs d’entre eux témoignent des jeux auxquels on participait et des défis qu’on se lançait dans le passé : une crosse de jeu de Rurutu, un masque de Tuteponganui de Hikueru, et une pierre de force Anave de la vallée de la Maroto.

 

L’exposition du centenaire de la Société des Études Océaniennes permet de redécouvrir des chefs-d’œuvre comme le tabouret de Ma’i (d’Omaï), d’admirer les attributs royaux des Pomare et de s’intéresser à un mystérieux pétroglyphe en corail de l’île Christmas. Elle permet aussi de se plonger dans le passé et d’imaginer les activités sportives et ludiques qui étaient alors pratiquées. On pourra ainsi (re)découvrir au Musée une crosse de jeu trouvée dans la grotte Te Rua o Tava’e à Rurutu, aux Australes. En bois de fer aito, cette crosse a été donnée au musée de Papeete en 1926. Elle fait l’objet de deux articles parus dans des bulletins de la Société des Études Océaniennes en 1927 et en 1932. L’anthropologue américain Kenneth Emory avance d’abord l’hypothèse que cette massue « curved club » est unique dans la Polynésie de l’Est, mais il remarque ensuite qu’elle est similaire à des exemplaires des Fidji et il en conclut qu’il y a probablement eu des contacts entre ces deux groupes d’îles éloignées.

 

Des jeux de balle 

 

Mais dans quel cadre ces crosses finement sculptées étaient-elles utilisées ? Ce n’est que quelques années plus tard que Kenneth Emory découvre la réponse avec la description qu’en fait le révérend William Ellis dans son ouvrage Polynesian Researches : « Ce jeu joué par les hommes est appelé « apai » ou « paipai » ; on se procure une balle et les joueurs sont munis de bâtons longs de 1 m à 1,25 m et recourbés à une extrémité ; avec ces bâtons ils frappent la balle, chaque camp s’efforçant de l’envoyer au-delà de la limite du but de leurs adversaires. La balle est faite de morceaux d’étoffe indigène noués ensemble très serrés. » Ce sport était aussi pratiqué dans les îles de la Société, mais avec des bâtons ordinaires. En 1930, un jeu semblable a également été observé aux Tuamotu. William Ellis ajoute que ce jeu était pratiqué sur toute la côte américaine sud et nord. Dans le volume de Mémoires ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer) consacré à l’ancienne civilisation de Rurutu : la période classique, il est précisé que le missionnaire anglais « n’hésite pas à comparer [le jeu de apai ou paipai] au cricket ». Dans l’annexe listant les mots polynésiens utilisés, c’est au hockey qu’il est fait référence. Il est, par ailleurs, indiqué qu’aux « Îles Cook, ce jeu était connu sous le nom de ipanapana ».

 

Le lever de pierre

 

Pour mesurer leur force, des chefs et des guerriers s’essayaient au lever de pierre. Parmi les objets mis en avant dans cette exposition, il y a la pierre Anave découverte dans la vallée de Maroto, dans la Papenoo, à Tahiti. L’objet pèse 87,5 kg et s’il « semble n’avoir rien d’extraordinaire », juge Armand Leverd dans le troisième bulletin de la Société des Études Océaniennes, publié en 1918, il a « des vertus singulières dans l’esprit des anciens Tahitiens ». Cette pierre « avait une renommée particulière et dont l’écho avait été jusqu’à Raiatea sinon plus loin. Les guerriers renommés de cette île y venaient essayer leurs forces », raconte Armand Levert. Il s’agissait de soulever la pierre et de la placer sur l’épaule. Il faut préciser que cette pierre Anave était « enduite d’huile de noix de bancoulier ». Pour l’occasion, une cérémonie était organisée. Des chanteuses et danseuses entouraient l’athlète, qui « se tenait au centre du cercle et s’efforçait, jusqu’à complet épuisement, à soulever la pierre légendaire. La placer sur l’épaule était considéré comme un haut critérium de force pour un guerrier, mais la légende rapporte qu’aucun des guerriers de Raiatea n’y parvint. Elle ne dit pas si ceux de Tahiti y réussissaient mieux », note l’auteur.

 

Une pièce de théâtre

 

Quittons l’univers du défi physique pour le jeu théâtral avec un masque de Hikueru, aux Tuamotu. Donné par le Frère Alain (Joseph Guitton) au Musée de Papeete en 1917, ce masque en bois de cocotier était utilisé par les pêcheurs de nacre pour des jeux et représentations avec acteurs. Il s’agissait d’une sorte de pièce de théâtre dramatique, généralement sérieuse et parfois comique, mise en scène à la manière européenne mais illustrant une légende ancestrale. Ce grand masque orné d’imitation de coquillages représentait la tête du dieu Tuteponganui, un dieu de la mer. A.- C. Eugène Caillot s’en fait l’écho dans son ouvrage sur les Mythes, légendes et traditions des Polynésiens : « Les indigènes assistent à cette pièce, debout ou assis, sur la place publique du village qui est généralement au centre, devant la maison commune. Comme il fait nuit, ils allument des torches, et avant, ainsi qu’après le spectacle, ils tapent sur un gros tambour fait avec un tronc de cocotier et une peau de requin. » Des jeux semblables, utilisant des masques, avaient également lieu à Mangareva.
Ces trois objets évoquant le jeu sous différentes formes sont donc présentés aux côtés de dix-neuf autres pièces « choisies soit en raison de leur caractère exceptionnel, soit parce que leur histoire a été racontée dans des bulletins de la Société des Études Océaniennes», précise Miriama Bono, la directrice du Musée. Ces objets ont été conservés pendant de nombreuses années par la SEO avant que le Musée de Tahiti et des îles ne prenne le relais.

 

Pratique :

 

Exposition « 100 ans d’une histoire commune »

Du 25 juillet au 31 décembre

Salle d’exposition permanente du Musée de Tahiti et des îles.

Ouvert du mardi au dimanche, de 9h à 17h.

Tarif : 600 Fcfp pour les adultes et gratuit pour les enfants et les scolaires.

Musée de Tahiti et des îles

 

+ d’infos: 40 54 84 35, par mail [email protected], ou sur www.museetahiti.pf et la page Facebook Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha

 

 

 

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