N°118 – Le tapa ahufara : une pièce précieuse

 

Musée de Tahiti et des îles (MTI) – Te Fare ManahaTRESOR DE POLYNESIE - Tapa © MTI 20161005_0004

 

Rencontre avec Miriama Bono, directrice du Musée de Tahiti et des îles, et Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques au Musée. Texte : SF.

 

                                           

En mai dernier, le Musée de Tahiti et des îles a acquis une pièce rare : un tapa ahufara servant à l’époque de manteau pour couvrir les épaules des Polynésiens les plus aisés. Découverte de ce trésor polynésien.

 

Il est certainement l’une des plus belles et précieuses pièces du Musée. Le tapa ahufara, acquis en mai dernier est en très bon état. Ce couvre-épaule était destiné à des personnes importantes aux distinctions nobles. Les feuilles de fougères imprimées sur l’étoffe d’écorce par pression des feuilles après trempage dans la teinture, sont typiques de l’archipel de la Société et du début XIXème siècle. Le style est très similaire à celui du tiputa déjà conservé au Musée de Tahiti et des îles. « Les motifs de feuilles imprimés sur les tapa sont apparus à la fin du XVIIIème siècle au moment des premiers contacts avec les Occidentaux. Est-ce que cela correspond avec la découverte par les Polynésiens des tissus imprimés ? », s’interroge Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques au Musée. Ce tapa ahufara est de faible épaisseur, assez rigide, d’une longueur de 193 cm et d’une largeur de 157,5 cm. A l’époque, les tapa étaient confectionnés à base de deux fibres : le aute, le mûrier à papier, et le uru. Ce dernier était très utilisé aux Marquises car il y avait peu de aute dans cet archipel. Le mûrier à papier était lui très utilisé aux îles de la Société. « Il est donc fort probable que ce tapa ahufara soit fait à base de mûriers puisqu’il provient de l’archipel de la Société. », souligne Tara Hiquily, ravi du bon état de conservation de la pièce malgré un long voyage.

 

Une acquisition rare

 

Il a fallu un an au Musée de Tahiti et des îles pour acquérir ce tapa. Proposé à la vente par la galerie Ganesha, il était la propriété d’un collectionneur privé résidant à New York. C’est l’archéologue Michel Charleux qui a signalé cette pièce au Musée. « On a d’abord dû la faire expertiser sur place à New York. Une fois expertisée et acquise, il a fallu 6 mois pour la faire sortir des USA. Elle a dû être déplacée à plat et mise sous casque car un seul pli peut endommager la fibre souvent très fragile. Le transport s’est fait en bateau », explique Miriama Bono, directrice du Musée. Le ministère de la Culture a accordé une subvention de 7 millions Fcfp pour permettre au Musée d’acquérir cette pièce précieuse arrivée en mai à Papeete, et qui va compléter le projet muséographique de l’établissement. En attendant, le tapa a été placé dans une salle de quarantaine avant de rejoindre la réserve. Un état des lieux par l’équipe du Musée est prévu et certainement une restauration par une spécialiste du tapa. « Il est en très bon état mais il a été collé sur toute sa surface inférieure avec du papier collant. Cela risque de lâcher et donc de déchirer le tapa, on doit faire quelque chose. C’est pour cela qu’on fait appel à une experte », précise Tara Hiquily qui, pour avoir déjà travaillé sur le tapa, connaît suffisamment bien ce type de pièce pour savoir à quel point cette restauration s’annonce délicate.

 

Une pièce fragile

 

Le tapa est un objet dont les fibres ont été écrasées et agglomérées entre elles avec de la gomme végétale. Les motifs ont été peints avec des pigments végétaux. Autre problématique : cette pièce a traversé les siècles. « Le conditionnement est donc compliqué. On s’interroge sur la manière dont il a été conditionné depuis sa création et comment on doit le conditionner aujourd’hui ? », explique Tara Hiquily conscient des difficultés de conservation de ce type de pièces, ayant pu être pliées et surtout attaquées par les insectes qui en raffolent. « Du coup, quand elles arrivent ici, on les conditionne en les enroulant dans des rouleaux afin de mieux les conserver. Mais lorsqu’elles sont exposées, c’est une autre paire de manche. Il y a plusieurs manières de faire ». La première et la plus simple est de laisser une partie enroulée et le reste dépliée. La deuxième est déjà plus délicate, il s’agit de pincer le tapa dans des lamelles de plexiglas en évitant de l’abîmer. Enfin, la troisième, la plus compliquée et la plus coûteuse, est de le cribler de petits aimants et de le poser sur des plaques en métal peint. Pour l’heure, Tara Hiquily et son équipe ne savent pas encore comment ils vont choisir de l’exposer. Seule certitude : il sera recommandé de ne pas l’exposer plus de 6 mois par an car il ne supporte qu’un certain degré de lumière au risque d’être abimé. « Il a besoin de repos, souligne Tara Hiquily, Mais, désormais, on pourra exposer tour à tour le tapa ahufara et le tiputa ». Une véritable richesse pour le Musée et pour le public.

 

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