N°118 – Il y a de belles choses qui se préparent

Matani Kainuku, président du jury du Heiva i Tahiti 2017

 

Texte et photos : ASF

 

10 questions a - Matani Kainaku © ASF20170606_0001Pour la seconde année consécutive, Matani Kainuku a été nommé président du jury du Heiva i Tahiti. Avec bienveillance, mais aussi professionnalisme, il a accompagné les groupes dans leur préparation avec l’ensemble du jury. Pour ce passionné de culture traditionnelle plusieurs fois primé en danse, l’essentiel réside dans l’authenticité.

 

Cinq fois président du Hura Tapairu, deuxième fois président du jury du Heiva i Tahiti. Le rôle de président du jury semble vous aller comme un gant. Vous êtes le président parfait ?

Il faut demander à ceux qui m’ont choisi ! Je prends en tout cas mon rôle très à cœur. C’est la quatrième fois que je participe au Heiva i Tahiti en tant que membre du jury. En 2015, j’étais vice-président et en 2016 président pour la première fois.

A votre avis, quelles qualités doivent avoir un président et son jury ?

Là encore, il faut demander cela aux organisateurs et au ministre ! Le Heiva est une institution qui mérite l’excellence et celle-ci ne doit pas seulement se concrétiser au niveau des participants et du concours, mais également au niveau du jury qui doit connaître, par exemple, le règlement sur le bout des doigts. Il faut être au clair avec celui-ci. Être président du jury, c’est avant tout gérer des humeurs et manager le comité du jury. Il faut gérer l’avant, le pendant et l’après Heiva. Il faut être très clair et très simple, aller à l’essentiel. Enfin, en tant que président, je me dois d’être bienveillant et de respecter tout le monde. Je n’ai pas à dire quelle est ma sensibilité, ma préférence. Il y a une déontologie pour les membres du jury et mon rôle de président est justement de préparer le jury à respecter cette déontologie. Nous devons accepter toutes les tendances. Il faut abandonner son statut personnel pour se mettre au service du collectif et de la collectivité. C’est dur, mais on demande l’impartialité et la neutralité au jury.

Vous n’êtes pas seul à la présidence pour mener cette action ?

En effet, je suis cette année épaulé par Moana’ura Tehei’ura, qui est le vice-président du jury. Cela se passe très bien entre nous, c’est quelqu’un de très engagé. Nous nous comprenons et cela est primordial, car il est important dans la présidence d’avoir de la concertation et des prises de décision très efficaces.

Quelles vont être vos exigences ?

Mon critère premier sur le concours est l’association chant et danse. Les langues polynésiennes sont le support. Le premier critère est donc de vérifier la cohérence entre la mise en œuvre sur la scène et les écrits proposés même si ces derniers sont simples.

Le Heiva, c’est beaucoup de travail et finalement peu d’élus le soir de la remise des prix. Il y a forcément beaucoup de frustration et de déception.

Dans toute œuvre artistique, on doit avant tout avoir une satisfaction personnelle. Quand on mène une troupe de danse, il ne faut rien attendre de l’extérieur. Il faut juste être concentré sur sa création. Le métier d’artiste, c’est créer sans avoir la certitude que cela aura un impact, il faut donc d’abord faire les choses pour soi. C’est très subjectif, même si dans le cadre d’un concours on peut développer des stratégies et s’appuyer sur un règlement.

Puisqu’on parle de règlement, vous êtes visiblement un jury très impliqué. Vous avez multiplié les rencontres avec les chefs de groupe.

Pendant le Heiva, il y a environ 2 500 artistes et toutes ces personnes doivent suivre les mêmes consignes. Le règlement doit donc être compris et connu de tous, il serait dommage d’arriver sur scène avec des pénalités. Nous allons à la rencontre des troupes, nous mettons en garde les chefs de groupe sur le respect de ce règlement. Il y a beaucoup de nouveaux donc cet accompagnement doit permettre à ces derniers d’être plus sereins au moment de monter sur scène.

C’est plus compliqué pour les îles éloignées ?

Nous allons à Moorea, mais pas dans les autres îles. Cela dit je ne pense pas que cela soit un handicap pour les îles. Au contraire, l’éloignement de Tahiti permet à ces groupes de conserver leur authenticité. Ils n’ont pas besoin – et il ne faut surtout pas ! – d’être influencés par ce qui se passe à Tahiti. Il faut qu’ils viennent avec leur authenticité. Ne surtout pas croire que la réponse est à Tahiti. La réponse est plutôt dans l’émotion que l’on provoque dans une prestation.

2017 est l’année des Hura ava tau, quel regard portez-vous sur cette catégorie ?

Comme je vous l’ai dit, le jury doit être bienveillant et juger l’instant présent. Le regard est forcément différent pour un groupe professionnel, car les exigences ne sont pas les mêmes. Mais ce qu’on attend d’un Hura ava tau, c’est bien d’avoir déjà un pied chez les grands. On attend de lui qu’il se comporte déjà comme un professionnel. Nous avons assisté à des répétitions et je dois dire qu’il y a de belles choses qui se préparent, on aura de belles surprises.

Retrouvera-t-on cette année une confrontation entre les « puristes » qui veulent du traditionnel et uniquement du traditionnel et ceux qui veulent revisiter notre culture ?

Cela s’appelle Heiva i Tahiti, concours de chants et danses traditionnels donc très clairement on s’inscrit bien dans une histoire, dans une culture. Aujourd’hui, il y a ceux qui veulent un espace pour sauvegarder les pas d’autrefois, les danses oubliées. D’autres soutiennent que le concours doit avancer avec son temps. En vérité, on peut maintenir l’aspect traditionnel tout en étant novateur. Je crois que le plus important est que tout le monde se mette d’accord sur les termes. Qu’est-ce qui est traditionnel ? C’est le fait de retrouver dans le concours de ‘ori tahiti ce qu’on appelle un ʻōteʻa, un ‘aparima, un ‘aparima vāvā, un pā’ō’ā  et un hivināu.

 

Enfin, dernière question, en tant que membre du jury, votre troupe ne peut participer au Heiva i Tahiti, mais quand reverra-t-on Nonahere sur la scène de To’ata ? 

L’année prochaine ! J’ai envie de retourner sur la scène, ça me manque. Nonahere reviendra donc pour le Heiva 2018 avec une légende qui tiendra compte de mes origines (australes, marquisiennes, maori). Je m’y prépare déjà en tout cas. Je suis heureux d’avoir, au sein du jury, pu former ceux qui m’entourent et qui seront à même de prendre le relais. En avril 2018, je vais aussi organiser la coupe du monde de ‘ori tahiti catégorie groupe, solo danse, solo musicien et costumier.

 

 

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