N°116 – Le Manneken-Pis aux couleurs de la Polynésie française !

 

– Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha116 - Le saviez vous - Concours Manneken Pis 5 © AMTI

 

Rencontre avec Pascale Cruchet de l’association Les Amis du Musée de Tahiti et des Îles, Nicolas Cauwe, conservateur aux Musées royaux de Bruxelles, Yvenka Klima élève du lycée Raapoto, et Éric Ferret, enseignant d’arts visuels. Texte : Suliane Favennec

 

 

C’est une vieille tradition belge. Une fois dans l’année, la célèbre statue a l’habitude de vêtir le costume d’un pays différent. Cette année, c’est au tour de la Polynésie française. Un concours a été lancé pour retenir le meilleur costume polynésien.

 

« Je suis fière de porter la culture polynésienne jusqu’à Bruxelles ». Yvenka Klima est heureuse : quelques heures plus tôt, la jeune lycéenne a appris qu’elle avait remporté le concours organisé par l’association Les Amis du Musée de Tahiti et des Îles. Dans le cadre de la future exposition « Oceania, voyage dans l’immensité » organisée par les Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, prévue d’octobre 2017 à avril 2018, l’association a ouvert un concours destiné à tous les publics : couturiers, costumiers, scolaires… L’objectif : proposer un design de costume traditionnel polynésien pour vêtir le Manneken-Pis. Cette célèbre statue de bronze installée sur la fontaine située au cœur de Bruxelles représente un petit garçon nu en train d’uriner. Une fois l’an, il est de tradition de déguiser le Manneken-Pis d’un costume d’un pays du monde. Très populaire, ce folklore bruxellois remonte au XVIIIe siècle. Selon cette tradition, la statue porte le costume durant toute une journée, avant que ce dernier ne rejoigne les « milliers d’autres soigneusement rangés dans les salles des Musées royaux de Bruxelles », comme le confie Nicolas Cauwe, conservateur au sein de ces établissements.

 

Des projets de qualité

 

Lancé en février dernier, ce concours a donc été remporté par Yvenka Klima, élève

de Terminale STD2A du lycée Samuel Raapoto. Sur les 25 projets présentés, la jeune lycéenne a conquis le jury avec ses deux costumes en bois, nacre, tapa, fibres de coco, aux couleurs jaune et rouge. « Ce sont les couleurs du drapeau de la Polynésie. Elles sont chaudes et chaleureuses », confie la jeune fille, passionnée de dessin depuis le plus jeune âge. Plus tard, une fois son bac en poche, elle aimerait se tourner vers l’illustration. En attendant, elle est ravie d’avoir remporté ce concours. « Parmi les propositions, on a eu beaucoup des planches avec une grande qualité graphique », explique Pascale Cruchet, présidente de l’association Les Amis du Musée, et membre du jury de ce concours. Manouche Lehartel, alors directrice du Musée, Torea Colas, représentant d’ATN, Jean-Paul Forest, artiste de renom qui participera à l’exposition Oceania, et Nicolas Cauwe, conservateur des Musées royaux de Bruxelles, complètent ce jury. Ces personnalités ont eu la lourde de tâche de départager le meilleur projet parmi des dizaines. Leurs critères de notation s’appuient sur un cahier des charges officiel transmis par la maire de Bruxelles qui organise l’événement en Belgique, et reposent sur quatre points : la faisabilité en fonction de la taille et des proportions de la statue ainsi que le respect du cahier des charges, la qualité esthétique du costume et la noblesse des matériaux présentés, la représentativité de l’identité polynésienne, et enfin la possibilité d’exporter le costume. Le projet de Yvanka semble avoir rempli tous ces critères.

 

Donner la parole aux élèves

 

Le costume, qui doit être remis pour le 15 septembre, fera l’objet d’une remise officielle à l’Hôtel de Ville de Bruxelles en octobre. Une belle vitrine pour la lycéenne et ses camarades de classe. Yvenka ayant remporté le projet, le financement de 50 000 Fcfp sera remis à son établissement. Éric Ferret, le professeur d’arts visuels qui a suivi ce projet, est chargé d’organiser la création du costume. L’ensemble de la classe devra ainsi réfléchir et travailler sur la mise en œuvre. « C’est un projet concret. Du coup, les élèves sont impliqués et très enthousiastes », explique l’enseignant. Éric Ferret a ainsi guidé ses 25 élèves dans leurs recherches, tout en les aidant à respecter le cahier des charges. « Je suis allée rechercher comment étaient faits les costumes des anciens rois. J’ai demandé aussi autour de moi, à ma famille et mes proches », confie Yvenka, qui devra faire quelques réajustements. Un autre croquis devra être présenté avec des éléments plus complets et un seul costume avec les couleurs jaune et rouge mélangées. Ses camarades de classe pourront l’assister, notamment dans la confection de la pièce. « Ce projet entre dans le cadre des cours, il a une forme pédagogique. C’est important et intéressant pour nos élèves », explique Éric Ferret. A l’instar des jurys, il a été surpris par la qualité des dessins. Laisser la parole aux jeunes et à leur créativité donne bien souvent un résultat stupéfiant…

 

L’histoire et la tradition du Manneken-Pis

 

De nombreuses légendes relatent l’histoire de cette statue de bronze symbolisant un petit garçon qui urine. Comme celle de cet enfant qui, en pleine bataille, urine donnant ainsi du courage aux soldats ou éteignant une bombe, ou comme celle du petit garçon qui ne s’arrêtait plus d’uriner… Quoiqu’il en soit, cette statue fut toujours au centre de l’attention des Bruxellois. Le Manneken-Pis est devenu le symbole le plus connu de la ville, il personnifie aussi leur sens de l’humour et leur indépendance d’esprit. Depuis 1965, la statuette sur place est une copie de celle conçue en 1619-1620, conservée au musée de la ville de Bruxelles situé dans la Maison du Roi. Les origines de la première statue datent de 1451 mais ne sont pas documentées. La seconde version, celle du XVIIème siècle, a été réalisée par l’artiste Jérôme Duquesnois l’Ancien. Le Manneken-Pis, c’est aussi une tradition vieille de quatre siècles : celle d’habiller la statue. Au fil des décennies et de l’histoire, le petit garçon qui urine portera tour à tour le riche habit de Maximilien, ou encore une parure indienne, sioux, et même polynésienne. Le premier habit du fenua porté par le Manneken-Pis a été offert par un marin belge ayant vécu à Tahiti. C’était en 1935, et il s’agissait d’un costume de danseur. Le second sera donc celui des élèves du lycée Rapooto. En attendant, déjà près de 1000 costumes du monde entier ont habillé cette fameuse statue. Ils sont exposés au Musée GardeRobe Manneken-Pis, à Bruxelles.

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