N°110 – Le Heiva Tārava est de retour

Maison de la Culture –Te Fare Tauhiti NuiAffiche Tarava Raromatai

Conservatoire Artistique de Polynésie française – Te Fare Upa Rau

Rencontre avec Vaiana Giraud, responsable de la production et de la communication à la Maison de la Culture, Mama Iopa, professeur de himene au Conservatoire et Mike Teissier, ra’atira.

Texte : DB.

 

Pour la deuxième année consécutive, les groupes de chants ont leur festival à eux : le Heiva Tārava. La première édition, en 2015, mettait à l’honneur le Tārava Tahiti, cette année c’est au tour du Tārava Raromata’i. Six groupes sont mobilisés pour offrir au public ce moment de partage et d’émotion aux sources de la culture polynésienne.

Un festival pour mettre à l’honneur les trésors de notre patrimoine musical : une initiative bénéfique pour faire (re) découvrir et (re)apprécier au public la richesse et la subtilité des hīmene, souvent considérés comme les « mal-aimés de la culture polynésienne », d’après les acteurs du secteur. Tous s’en réfèrent au Heiva : « À cette occasion, l’observation est nette : les rangs se vident lors du passage des groupes de chants ». Mama Iopa, professeure de chants traditionnels au Conservatoire et co-organisatrice du Heiva Tārava, a une explication : « Le public ne sait pas toujours ce que sont les Tārava, ce qu’ils racontent. Ils parlent des montagnes, des rivières, des aito et des guerriers, des histoires des peuples qui vivent dans les communes. Il ne distingue pas toujours les différentes voix. Plus on lui donnera l’occasion de les écouter, mieux il les connaîtra et plus il les appréciera. »

Un manque d’intérêt qui ne saurait durer

La tendance évolue. Petit à petit, les chants traditionnels (re)gagnent le cœur des Polynésiens. La désertion lors des représentations au Heiva i Tahiti est sensiblement moins importante ces dernières années. Par ailleurs, le Heiva Tārava Tahiti organisé en 2015 a conquis le public. « Nous avions fait imprimer des programmes sur lesquels nous avions notamment répertoriés les chants des sept groupes invités. Tout le monde a souhaité en avoir pour suivre, on allait les distribuer partout dans les jardins de Paofai. Et en passant dans les rangs parmi les gens installés loin de la scène, on entendait certains qui regrettaient de ne pas entendre assez bien de là où ils étaient. Ils voulaient suivre le concert ! », se rappelle Vaiana Giraud, responsable de la production et la communication à la Maison de la Culture. Cette année 1 500 programmes sont prévus et une sonorisation d’ambiance sera installée. Pour Mike Teissier, meilleur ra’atira du Heiva i Tahiti 2015 et qui assiste désormais mama Iopa au Conservatoire, le Heiva Tārava est un « Hura Tapairu pour nous, les groupes de chants. Cela nous permet de rester actifs tout au long de l’année. Il n’y a plus de vide entre deux Heiva, on est vraiment entré dans un cycle. C’est une belle expérience pour tous les chanteurs de se retrouver dans un autre contexte que la compétition de juillet. » Ce qui, pour mama Iopa, est essentiel. « Les chanteurs, on le voit sur leur visage, sont en paix, ils se libèrent de leur stress, ils éprouvent une joie communicative. De ce fait, partager cette expérience avec d’autres chanteurs est important. »

Une pratique traditionnelle variée

Cette année c’est le Tārava Raromata’i qui est à l’honneur. Pour rappel, il existe trois types de hīmene principalement : le t rava, le ru’au et le ‘ute. Le tārava est le chant le plus complexe. Dirigé par un chef de troupe, le ra’atira, il est interprété par tous les chanteurs du groupe, hommes et femmes. Ils sont entre 60 à 80 à prêter leurs voix. Ils sont classés en fonction de leur archipel d’origine : Tahiti, Raromata’i (îles Sous-le-Vent) et Tuha’a pa’e (Australes).

Au cours de ce Heiva Tārava Raromata’i, les groupes interpréteront des paripari fenua datant de 1929 à 1978 (voir encadré page 11). Ils chanteront aussi un hīmene de leur choix qui peut être une création, la reprise de leur hīmene du Heiva… puis un chant d’ensemble – hīmene ‘mui – en fin de soirée, écrit par mama Iopa. L’an dernier, plus de 700 chanteurs ont participé à ce chant commun dirigé par Mike Teissier. Un hīmene ‘ mui qui n’avait jamais rassemblé autant de chanteurs : une initiative digne d’un record du monde !

Ce n’est pas la première fois que des rencontres de chanteurs traditionnels sont organisées pour mettre en lumière le hmene. En 2003, la Maison de la Culture avait monté un festival permettant aux groupes de chants de se produire en dehors du Heiva. Il avait eu lieu sur le paepae a hiro, avec le soutien de John Mairai. L’événement avait été reconduit l’année suivante avant de s’arrêter, faute de soutien. Un événement convivial et gratuit

Le Heiva Tārava a pris le relais. Il se déroulera le 5 novembre dans les Jardins de Paofai. Encadré par trois spécialistes du Tārava Raromata’i – mama Iopa, Edwin Teheiura et Armandine Manarii – il se déroulera en deux temps. En journée, à partir de 15h, commenceront les ateliers gratuits. « L’an passé, tous les ateliers étaient proposés aux mêmes horaires, cette année nous les avons décalés pour permettre au public de suivre chaque thématique », indique Vaiana Giraud. Des ateliers sur les tenues, les costumes, les écritures et le rôle des ra’atira sont prévus. Suivra un atelier sur les différentes voix puis l’apprentissage du chant commun, pour le public qui souhaiterait se joindre aux groupes sur scène, avant que les participants ne débutent leur concert qui s’achèvera sur le hmene ‘mui.

 

 

Des chants de 1929

Lors d’une mission au Service de la Culture et du Patrimoine, Corinne McKittrick avait réalisé un travail de classement de chants et textes traditionnels. Elle découvre à cette occasion d’anciens trava publiés dans le « Te Vea ma’ohi », un mensuel d’informations en langue tahitienne publié par « l’administration française de l’Océanie à Tahiti ». Ce périodique contenait diverses informations administratives, mais aussi les résultats des concours des fêtes de juillet, dont les textes primés. Elle a aussi retenu des textes de Bulletins de la Société des Etudes Océaniennes (BSEO) de 1929 (n°33 d’octobre et n°34 de décembre). « Je les ai mis de côté car ils m’interpellaient. Je me suis dit qu’il fallait absolument qu’on les chante dans un souci de transmission du patrimoine ». Heremoana Maamaatuaiahutapu, alors directeur de la Maison de la Culture, souhaitait depuis de nombreuses années remettre à l’honneur les chants traditionnels dans un événement dédié, à l’image de ce qu’il avait initié en 2003. Une occasion toute trouvée de ressortir les textes précieusement conservés !

Pour ce Heiva Tārava, les groupes doivent choisir un paripari fenua qu’ils peuvent adapter au besoin. Corinne McKittrick reconnaît que « pour certains, les salutations sont un peu longues » et parfois inadaptées à notre société actuelle. Il n’est par exemple pas question aujourd’hui de saluer le gouverneur ! Ont été retenus :

  • hīmene paripari de Hitia’a, 1938, chanté par Tamarii Mahina 

  • hīmene paripari de Vairao, 1929, chanté par Vaihoataua 

  • hīmene paripari de Teahupoo, 1938, chanté par ‘O faa’a 

  • trava de Papeete Tipaerui, 1980, chanté par Faretou 

  • hīmene paripari de Papara, 1938, chanté par Te pape ora no Papofai

 

LES PARTICIPANTS

Six groupes participent à cette seconde édition : Vaihoataua dirigé par Samuel Eberera, O Faa’a mené par Pascal Mauahiti, Tamarii Mahina mené par Moeata Arai, Tamarii Outu’ai’ai mené par Dayna Tavaearii, Faretou mené par Edwin Teheiura, et Te Pape ora no Papofai mené par Lawrence Turi-Matautau.

 

MIKE TEISSIER : « CHANGER L’IMAGE DU CHANT TRADITIONNEL AUPRES DES JEUNES »

« J’ai rejoint le Conservatoire récemment où j’assiste Mama Iopa dans les cours de chants traditionnels. J’apprends auprès d’elle tout en partageant ce que je sais. Cette transmission est fondamentale. Les jeunes ont tendance à penser que le hmene est un ‘’truc de vieux’’. Nous devons parvenir à changer l’image du chant traditionnel auprès des jeunes. Ceux qui osent franchir le pas d’entrer dans un groupe n’en sortent plus ! Ils se rendent compte que c’est physique, que cela implique un vrai travail de respiration, que c’est fatiguant et tellement plaisant. Parfois, dans mon district à Papara, il m’arrive de croiser des jeunes qui me font part de leur a ection pour les hmene. C’est vraiment encourageant. »

TROIS QUESTIONS A MOEATA ARAI, DE TAMARII MAHINA

Pourquoi participer à un tel événement ?

Cela fait deux ans que l’on se présente au Heiva i Tahiti. On a saisi l’occasion pour faire parler de notre commune et faire vivre notre culture. C’est notre but en tant que groupe de chants. On s’adresse au public et en particulier aux jeunes qui pensent qu’il n’y a que des personnes âgées avec nous. On essaye de les attirer !

Quels sont vos moyens justement ?

On leur parle, on les sensibilise à leur culture et aux chants. Il y a deux ans, l’église protestante ma’ohi a pris la décision d’apprendre les chants aux enfants dès 3 ans à l’école du dimanche. C’est une excellente initiative car c’est ainsi qu’il pourra y avoir continuité dans la transmission.

Quel est votre programme ?

Nous allons reprendre un chant sur le uru de la vallée de la Toahuru que nous avions chanté au Heiva en 2015 et pour lequel nous avions reçu le 2ème prix en Tārava Raromata’i et un hīmene paripari de Hitia’a de 1938. Et nous participons bien sûr au chant commun. Quel bonheur ce Heiva Tārava !

 

 

HEIVA TĀRAVA RAROMATA’I : PRATIQUE

  • Samedi 5 novembre, dans les jardins de Paofai
  • De 15h00 à 15h30 : les tenues et costumes, l’écriture d’un chant 
et le rôle du Ra’atira
  • De 15h30 à 16h30 : les différentes voix du Tārava Raromatai
  • De 16h30 à 17h30 : apprentissage du hīmene ‘mui
  • De 18h30 à 21h00 : concert de hīmene avec en final le hīmene ‘mui (interprétation d’un chant par l’ensemble des groupes)
  • Entrée libre et gratuite
+ d’infos : 40 544 544 – www.maisondelaculture.pf

 

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