N°107 – Heiva : les costumes primés

Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui

Texte : DB. Photos : S.Mailion.

 

Le prix du grand costume a été remporté par la troupe Hitireva de Kehaulani Chanquy, le prix du costume végétal par la troupe Hei Tahiti de Tiare Trompette. Une consécration et une reconnaissance pour tous ceux qui imaginent, créent puis façonnent les tenues de scène.

 

Hitireva : le tissage de l’identitéhitireva prix grand costume@s.mailion

« C’est une surprise, on ne s’y attendait pas du tout. Surtout qu’il y avait quatre troupes des Australes et on connait leur savoir-faire en matière de costumes », lance en préambule Kehaulani Chanquy, chef de la troupe Hitireva. Ses artistes ont reçu, entre autres, le prix du grand costume. « Je suis contente car cela récompense les heures de travail qui ont précédé. » Epurés et originaux, tous les éléments du costume évoquent le thème de leur spectacle : « Tīfai tou hīroa – Mon identité, un tissage ». La coiffe consiste en un triangle de peue. « Nous avons choisi deux couleurs différentes pour faire ressortir le tressage », précise Kehaulani Chanquy. En guise de tapa : du faraauti trempé. Il a été ajouté a la coiffe de même que les croix alignées, symboles de la troupe pour ce Heiva. « Ces croix, ce sont les liens qui se trouvent sur toutes les pirogues d’autrefois ». Entre les croix, des petits coquillages blancs ont été insérés pour donner de l’éclat. Le voile est fait a partir de filet épervier très fin et de more. « Pour le soutien des filles, la partie gauche est en kere haari et la partie droite en tressage », poursuit Kehaulani Chanquy. A la taille, des croix et de la toile de jute entourent la ceinture. « Nous avons cherché l’harmonie tout en réduisant les dépenses au maximum. Nous avons privilégié les matériaux peu couteux. Il fallait en plus que ces matériaux se trouvent facilement localement. » Les costumes des garçons ont été façonnés a partir des mêmes matériaux, mais de couleur différente. Les costumes de Hitireva sont l’œuvre d’une étroite collaboration entre la chef de troupe et Nelson Labbey, couturier de formation. « A partir du thème et de la chorégraphie, Nel’s conçoit les croquis. Je ne lui impose ni la forme, ni les matériaux. » L’idée était d’illustrer la couture qui consolide les pirogues avant qu’elles ne voguent. « On devait retrouver l’embarcation, la proue, la voile, la coque, la couture sur les costumes. » La troupe a répété dans une grande salle en ville sur deux étages. Au rez-de-chaussée : les machines et les répétitions,

au premier étage : les éléments des costumes et Kehaulani Chanquy. « Je m’y suis installée en famille pendant deux mois et demi ce qui me permettait de recevoir n’importe qui a n’importe quelle heure et de travailler tout le temps. » Malgré les difficultés en tous genres, la troupe a tenu bon. « Nous n’avons pas beaucoup dormi et avons donné tout notre temps pour ce Heiva, mais cela en valait la peine ! »

Hei Tahiti : l’abondance de Tamanu

hei tahiti prix costume végétal@s.mailion

Le prix du costume végétal a été attribué, lui, a Hei Tahiti de Tiare Trompette. Les tenues de cette troupe ont été imaginées par Freddy Fagu, dit Rounui, qui a de nombreux prix a son actif. « C’est le quatrième prix du meilleur costume que je reçois et je ne compte pas tous ceux qui me sont remis a l’étranger. » Il œuvre à ce poste depuis 1997. Les troupes se l’arrachent. Les costumes végétaux de Hei Tahiti illustrent le thème des oranges de Tamanu. Les filles ont une rangée de

boutons de auti et des opuhi rouges sur du feuillage. Ce mariage raconte l’ascension vers le plateau. Les soutiens sont pour partie en quartiers d’oranges et pour l’autre partie en pétales de opuhi. Les jupes font un rappel à ces éléments avec des fibres végétales sur les hanches. « J’ai le prototype dans la tête depuis janvier. Mais il n’a cessé d’évoluer, j’ai définitivement finalisé les créations après notre marche au plateau des orangers. En allant sur place, on s’imprègne mieux ! » Un mois avant de prendre possession de To’ata, la troupe s’est rendue au plateau. Il fallait entendre les légendes, visiter ce petit village perché, arpenter les rangs d’arbres fruitiers nouvellement plantés. Pour y arriver, deux heures de montée dans une végétation dense de auti, de fara, de cocotiers ont été nécessaires. « Cette végétation que nous avons pu observer, c’est tout ce que l’on retrouve sur le costume végétal. » Les coiffes des garçons portent des oranges sur des feuillages et des fleurs d’oiseau de paradis, elles représentent les arbres eux-mêmes. Du tressage complète l’assemblage des fruits pour « symboliser les filets des oranges, les toto ». Le reste du costume est tressé lui aussi. Le costumier de la troupe s’est chargé de préparer les bases des tenues des le mois de février. « Les bandes pour la taille, la tête, les fils de fer qui venaient en renfort… J’ai fait 184 pièces de tous les éléments dont les danseurs allaient avoir besoin pour faire leur costume. » Rounui a pour habitude de dévoiler ses créations deux jours seulement avant le grand jour, « pour éviter les remarques et pour que les tenues sortent de ma seule imagination ». Une réalisation complexe qui a amené le costumier a proposer et partager avec tous les danseurs un tutoriel précis, il a fait des démonstrations en direct et est allé a la rencontre de chaque danseur, parce que tous les détails comptent. Pour Rounui, en plus de la reconnaissance

du prix décerné par le jury de To’ata, « c’est le partage du savoir et l’apprentissage qui sont récompensés. Par exemple, quand je vois des danseurs qui n’ont jamais tressé ou tenu une aiguille et qui, pour le Heiva, fabriquent leurs propres tenues de A à Z, je suis heureux. Et eux sont fiers d’avoir appris. »

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