N°104 – Le Bain de la Reine, lieu historique et symbolique

 

Service de la Culture et du Patrimoine – Pu no te Ta’ere e no te Faufa’a TumuLe jardin de l'Assemblée@APF

Rencontre avec Joany Cadousteau, historienne au Service de la Culture et du Patrimoine.

Texte : VT. Source et photo : Joany Cadousteau.

 

Pape’ete, traduisez « l’eau qui jaillit », une commune qui porte bien son nom car sous cette terre coule un ruisseau dénommé Vai’ete. Ce ruisseau traverse le sol de l’Assemblée de la Polynésie française. Autrefois déjà, cette place recevait de grands chefs pour y débattre de sujets de pouvoir. Puis, sous le règne de la reine ‘Aimata Pomare IV, cette fameuse source était utilisée comme lieu de bain, d’où le nom de « Bain de la Reine », donné lors du protectorat français. Là-bas, elle s’y baignait accompagnée uniquement de ses servantes ; les Tahitiens d’antan venaient s’y approvisionner en eau. Un lieu d’une grande importance, celui où se dessinaient les grandes lignes du pays.

L’histoire de ‘Aimata

Elle est la fille du roi Pomare II. Née à Moorea, ‘Aimata fut élevée par son oncle Ari’ipa’ea. Loin de l’éducation des missionnaires, elle devient reine à seulement 14 ans, après la mort soudaine de son frère Pomare III. Assumer des décisions et des responsabilités de cet ordre à l’adolescence est loin d’être évident. Au début de son règne, il semblerait qu’elle veuille s’écarter de la religion protestante pourtant officielle depuis Pomare II. Avec l’influence des missionnaires britanniques et des chefs tahitiens, elle y revient néanmoins. Dans les années 1830, un certain George Pritchard, missionnaire protestant, devient son conseiller principal. C’est lui qui lui conseille, en 1838, d’expulser les missionnaires catholiques. En 1841, Dupetit-Thouars proclame contre l’avis de la Reine l’annexion à la France, ratifiée par la Grande Bretagne… Résistante, la reine nit par se réfugier sur un navire anglais et refuse toute négociation entre 1844 et 1846. Elle revient finalement en 1847 et accepte de signer le protectorat français tout en reprenant le trône. Le pouvoir est dès lors partagé entre elle et la France. Elle mourut le 17 septembre 1877 d’une crise cardiaque dans le lieu-dit du Bain de la Reine. Elle aura mis au monde neuf enfants.

Les derniers instants de ‘Aimata selon la reine Marau

Le Bain de la Reine est donc un lieu hautement symbolique. Source de vie pour de nombreux Polynésiens, il est aussi celui où la reine ‘Aimata a poussé son dernier soupir. Voici les révélations de la reine Marau concernant les derniers instants de ‘Aimata, décédée à l’âge de 65 ans, après 51 ans de règne.

Selon les mémoires de la reine Marau : « Le 1er septembre 1877, il devait y avoir une réception à bord de la frégate La Magicienne. La reine était toute prête pour s’y rendre, lorsque son fils Te- rii Tapunui vint lui demander de l’argent pour jouer à bord ». La reine refusa. Fâché, déçu, le ls « se leva brusquement de la chaise sur laquelle il s’était posé, dont le pied aurait, dit-on, frappé au côté gauche de sa mère assise par terre. Très affectée d’un pareil éclat, la reine renonça elle aussi à sortir et, depuis ce moment-là, que ce fût du coup reçu, de la commotion morale ou de toute autre chose, on remarqua qu’elle semblait triste et mal portante. »

Une dizaine de jours plus tard, alors qu’elle allait faire ses ablutions matinales comme à son habitude dans la source non loin du Palais Royal, elle y décède d’une crise cardiaque.

 

Le Bain de la Reine : discret mais bien accessible

Longtemps inaccessible, c’est en avril 2013, après quatre mois de travaux, que le jardin de l’Assemblée est à nouveau ouvert au public. Car derrière les murs de l’Assemblée de la Polynésie française, au cœur de la ville de Pape’ete, se cache un superbe sentier arboré qui mène au Bain de la Reine, seul vestige du Palais Royal inauguré en 1883. Au-delà de la préservation de ce lieu hautement symbolique, c’est toute une variété de plantes qui y sont conservées. Des espèces végétales endémiques y sont plantées, telles que le ava, le geogeo, le titania et le tamore. Ce jardin est un petit écrin de paradis au milieu de la ville !

 

 

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