N°102 – « Nous avons de l’or dans les mains »

 

Service de l’Artisanat Traditionnel – Pu ‘ohipa rima’iFIRMIN1

Rencontre avec Firmin Timau, artisan.

Propos recueillis par SF. Photos : SF.

 

Firmin est un artisan, sculpteur et graveur marquisien. A 43 ans, l’artiste est reconnu pour ses tiki en bois et en os. Rencontre avec un homme talentueux et passionné.

 

Comme êtes-vous venu à la sculpture et à la gravure ?

 

En réalité, c’est assez récent. Je vis de cela depuis 2010. Avant, j’étais chef maçon. Suite au dépôt de bilan de mon entreprise, je me suis converti à l’artisanat. Ma famille est dedans depuis des générations. J’ai donc observé mon père qui travaille principalement le bois. J’ai beaucoup regardé aussi les cousins, qui, eux, travaillent sur l’os. En fait, j’ai appris en observant les autres.

 

Vous n’avez donc pas suivi de formation ?

 

Si. En 2001, je suis retourné aux Marquises pour m’y installer. Là-bas, j’ai suivi une formation de deux semaines, où j’ai rencontré Eriki Marchand, un spécialiste de la gravure sur os. C’est lui qui m’a appris la base de la sculpture. A l’époque, je n’étais pas encore convaincu de me lancer dans cet univers, je n’ai donc pas continué. C’est finalement la faillite de mon entreprise qui a été le déclic.

 

Comment se sont passés vos débuts ?

 

Au début, je ne réfléchissais pas à ce que je faisais. Je réalisais des colliers un peu tordus et pas forcément bien gravés, mais à force de travail, j’ai réussi à faire des objets plus jolis et plus originaux, et, ainsi, à m’imposer dans le milieu. Aujourd’hui, je marche assez bien, j’ai pas mal de clients. Mais, pour en arriver là, j’ai travaillé sans compter mes heures, il n’y a pas de secret.

 

Où trouvez- vous l’inspiration ?
Je la trouve beaucoup lorsque je retourne chez moi sur l’île de Tahuata aux Marquises. Mais je m’inspire aussi des livres de référence comme l’ouvrage sur le tatouage marquisien de Karl Von Den Steinen. J’estime que lorsque l’on crée quelque chose, nous devons savoir ce que cela représente. C’est important pour nous mais également pour les clients. Je vais aussi parfois au Musée de Tahiti et des Îles. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai vu pour la première fois cet os humain gravé appelé le ivi po’o. J’ai été émerveillé. Je m’en suis beaucoup inspiré pour certaines de mes créations. Mais, bien-sûr, je n’utilise pas d’os humain (rires).

 

Quel os utilisez-vous pour vos créations ?

 

Pour le toto’o (la canne), je prends l’os de cheval car il est plus petit que le bœuf, un peu trop gros pour ce type d’objet. J’utilise également de l’os de bœuf, de gigot ou de chèvre, pour les pics à cheveux par exemple ou les bijoux.

 

Avez-vous une spécialité ?

 

Oui, le rostre d’espadon. Je l’utilise pour faire des lances, avant je l’utilisais pour limer mes outils. Je l’achète directement aux pêcheurs. Le rostre n’est pas évident à nettoyer surtout si le poisson est frais. On doit d’abord enlever toute la chair se trouvant à l’intérieur avant de le retourner pour le dessécher. Cela dure deux semaines. Une fois qu’il est propre, on peut le travailler. On est peu nombreux à utiliser ce type de support. C’est la spécialité de mon île Tahuata, les autres îles des Marquises sont plus spécialisées dans le bois, l’os ou le tapa.

 

Quelle est votre signature ?

 

Le tiki, cette statue typique des Marquises. J’ai mon style lorsque je le grave : je fais des yeux ronds avec les mains posées sur la poitrine. J’aime travailler le tiki, je suis capable d’en produire jusqu’à 20 par jour. Il y a tout un processus à suivre : couper le bois, le limer, puis le graver… Le plus difficile reste la finition, surtout les yeux car on ne peut pas le rattraper si on se trompe. Le tiki, c’est aussi ce qui marche le mieux auprès du public, c’est peut-être le sens protecteur de l’objet qui attire.

 

Est-ce difficile de vivre de la sculpture et de la gravure ?

 

Ca l’est plus aujourd’hui qu’au temps de nos parents. A l’époque du CEP, l’artisanat d’art se portait très bien. Dans les années 90, mon père artisan réussissait à faire vivre notre famille de son travail très correctement. Aujourd’hui, les temps sont plus durs et les gens achètent moins. Parfois, certains viennent nous voir juste pour le plaisir des yeux. Pour y arriver, il faut avoir envie et persévérer. Lorsque je crée, je veux être complétement satisfait de mon travail. Dans tous les cas, je conseille aux jeunes de s’y mettre car c’est un beau métier, et, si on est courageux, on peut s’en sortir ! Nous avons, nous Polynésiens, de l’or dans les mains, il faut s’en servir !

 

Pour contacter l’artiste : 87 72 35 73

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