N°101 – Timbuktu : pour dénoncer l’absurde

Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui

afficheTexte : ASF

Photos : DR

En réalisant le film Timbuktu, le cinéaste Abderrahmane Sissako, Président du Jury du FIFO 2016, voulait surtout ne pas se taire devant la violence, l’obscurantisme et l’absurdité de l’extrémisme religieux. Il voulait aussi saluer le courage des femmes et des hommes qui luttent dans leur quotidien.

Avec Timbuktu, le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako a remporté plus d’une dizaine de distinctions en 2015 dont sept César. Une pluie de récompenses qui portent aujourd’hui son film de pays en pays et montrent ainsi, à travers une fable, l’absurdité de l’obscurantisme. Pour ceux qui ignoreraient le sujet du film, voici son pitch : au Mali, non loin de la ville de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En vil- le, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football. Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences aberrantes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou, le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…

Le courage des femmes

Ce qu’on retient de ce film, c’est avant tout une certaine lenteur. Entre vent et sable, le temps semble presque s’être arrêté, la vie d’avant s’est en tout cas arrêtée. On sent cette nostalgie, mêlée à la peur, mais aussi à une certaine forme de résistance dans les gestes de tous les jours : une femme refuse de mettre des gants, pourtant obligatoires, pour vendre son poisson. Le personnage de Satima refuse de se couvrir la tête alors qu’elle se lave les cheveux. Dans ce film, Aberrahmane Sissako s’est attaché à montrer les interdits et les actes de refus dérobés. On découvre ainsi une scène surréaliste et assez poétique de jeunes garçons participant à un match sans ballon, ou plutôt avec un ballon imaginaire. Ce que nous dit le réalisateur, c’est que la liberté se trouve d’abord dans la tête, tout comme l’acte de résistance. Timbuktu c’est aussi une ode au courage des femmes et leur rôle primordial dans cette société : celle qui refuse de suivre les règles vestimentaires, celle qui s’oppose au mariage forcé de sa lle, celle qui chante, celle qui marche la tête haute dans les rues de Tombouctou. Et puis il y a Satima – l’épouse de Kidane, condamné par les jihadistes – qui prend les armes.

Violences et contradictions

Le réalisateur a tenu aussi à montrer la part d’humanité des bourreaux, leurs faiblesses, leurs contradictions et c’est là peut-être le plus absurde. Ainsi, le chef des djihadistes après avoir annoncé à Kidane sa sentence, con e sa tristesse de voir la petite fille de ce dernier devenir orpheline. Un autre se cache derrière une dune pour fumer, acte pourtant interdit. Mais cette humanité ne doit pas nous faire oublier la violence. Une réalité pour les habitants de cette ville. On ne peut rester insensible devant la scène de lapidation d’un couple, enterré dans le sable. C’est d’ailleurs cette scène qui est à l’origine du film. Dans une interview accordée à Télérama, Abderrahmane Sissako raconte avoir imaginé le scénario de Timbuktu après avoir lu un bref article dans le journal sur la lapidation d’un homme et d’une femme coupables d’avoir eu des enfants sans se marier devant Dieu. « On pouvait trouver la vidéo de leur exécution sur Internet, mais on en parlait à peine dans les médias. Il se trouve que, le même jour, l’essentiel de l’actualité se concentrait, dans le monde entier, sur la présentation d’un nouveau modèle de smartphone. » Pour le réalisateur, s’indigner c’est une chose, mais il faut aussi agir et son cinéma participe à cet engage- ment. Tout comme il participe à montrer un islam tolérant. Son islam.

 

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Soirée spéciale Abderrahmane Sissako

Lundi 1er février

De 19h à 21 h au Grand Théâtre de la Maison de la Culture

Projection du film Timbuktu suivie d’une rencontre avec le réalisateur

Entrée gratuite sur invitation à retirer à la Maison de la Culture

+ d’infos : www.fifo-tahiti.com et FB Fifo Tahiti

 

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