N°101 – Authenticité et diversité, l’âme du FIFO

Tamari'i volontaires Fond Félix LagardeMaison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui

Rencontre avec Marie Kops, coordinatrice du FIFO et Michèle de Chazeaux, membre du comité de pré-sélection.

Texte : ASF.

Comment devenir un festival incontournable dans le Pacifique sud, reconnu par tous pour la qualité de sa sélection ? En cherchant toujours l’authenticité et en prônant la diversité. Voici 12 ans que le Festival International du Film documentaire Océanien s’emploie à mettre en exergue cette diversité des peuples qui composent l’Océanie. Une démarche qui l’a mené vers une multitude d’univers, de portraits, d’histoires tiraillées entre le passé, le présent et l’avenir. Travail de mémoire, mais aussi révélations et dénonciations l’animent encore aujourd’hui dans un souci de vérité et de sincérité.

Quand on doit, parmi 160 films, n’en choisir qu’une quarantaine, forcément il y a quelques pincements au cœur, quelques regrets de laisser derrière soi des œuvres. Mais c’est l’exigence du FIFO qui veut cela. Une exigence qui s’exprime d’abord dans la sincérité des documentaires retenus et leur authenticité. C’est sans aucun doute ce qui fait aujourd’hui la force et la légitimité du festival. Ici, le sujet, parfois l’angle et même le ton d’un documentaire peuvent surprendre, mais pour autant leur véracité n’est jamais remise en question. Il suffit de visionner Aux armes tahitiens, qui relate des actes héroïques de Polynésiens lors de la Seconde Guerre mondiale. De même pour le film Tupaia. Là encore c’est une page d’histoire qui est présentée d’une autre façon et qui, peut-être, rétablit une vérité qui avait été diluée. L’histoire est très présente au FIFO, mais souvent elle est racontée avec du recul, avec plus de détachement. Pour Michèle de Chazeaux, membre du comité de pré- sélection, cela participe à l’authenticité du FIFO : « donner à chaque chose la valeur qu’elle a véritablement et que le temps a quelquefois émoussé. »

Des rencontres sincères avec les « personnages »

Cette authenticité propre au FIFO est aussi portée par la présence chaque année de quelques « vedettes » de ces documentaires. On se souvient, l’année dernière, de la rencontre touchante entre le jeune public polynésien et Hina, personnage principal de « Kumu Hina », deuxième Prix du Jury et Prix du Public. Ces rencontres sont souvent fortes, pleines d’émotion et d’admiration. 2016 ne devrait pas déroger à la règle.

La diversité des thématiques

Si l’authenticité est une constante, la diversité est l’autre richesse du FIFO. Pendant cinq jours, les festivaliers découvrent l’Océanie et ses thématiques sous des angles très variés. Les sujets autour de l’environnement, pour cette édition 2016, sont le parfait exemple de cette pluralité. Il y a d’un côté une nature extrêmement cruel- le, violente avec le film hors compétition The day that change my life, qui raconte le tremblement de terre ayant ravagé Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Et puis on découvre deux autres films extraordinaires que sont le mystère mérou et l’île continent. Deux films qui célèbrent la nature et sa capacité à créer de belles choses, de beaux animaux, de belles plantes, de beaux paysages. Une nature qui doit aussi composer avec l’homme. Les festivaliers pourront ainsi découvrir un documentaire sur les plantes envahissantes introduites en Nouvelle-Calédonie et qui font des désastres considérables.

des préoccupations communes

Diversité géographique également puis- que pour ce FIFO 2016 nous irons de la Papouasie Nouvelle-Guinée à l’île de Pâques en passant par Fidji, Samoa, la Nouvelle-Calédonie, etc. A chaque fois, c’est un voyage qui en dit long sur les préoccupations des uns et des autres et sur la façon d’aborder la problématique. Le FIFO est aussi parfois une tribune et touche là où ça fait mal. Ce sera le cas cette année avec une production fidjienne, une dénonciation sur la pêche des rori pour le compte des Chinois dans des conditions particulières. Le film s’appelle le salaire des profondeurs.

Le sport à l’honneur

Sans même savoir pourquoi ni comment, chaque année, une thématique se dégage et donne une saveur particulière au FIFO. Le cru 2016 est sportif avec pas moins de six documentaires qui abordent le sport ou l’activité physique comme une école de la vie, comme une école du surpasse- ment de soi-même, mais aussi une école de solidarité. Ce sens du partage et de la camaraderie, on le retrouve d’abord dans The ground we won, un film néo-zélandais assez drôle présenté en compétition, qui nous entraîne dans l’univers masculin d’une communauté rurale adepte du rugby. Entre deux mots grivois, on perçoit un lien indéfectible et la certitude pour chacun d’appartenir à une équipe, une communauté. Le partage, il en est aussi question avec le film hors compétition Raimana World. Celui-ci nous fait glisser dans l’univers du Tahitien Raimana Van Bastolaer et de sa passion pour le surf qu’il met au service des autres.

Le sport comme école du surpassement, on n’en doute pas lorsqu’on découvre Teshya Alo, une jeune adolescente samoane hawaiienne qui vise le Championnat du Monde et les Jeux Olympiques dans ses disciplines de prédilection : la lutte et le judo. Winning girl raconte l’énergie dé- ployée par cette jeune fille et sa famille, mais aussi ses sacrifices pour réaliser son rêve. Rêver, c’est possible également avec le documentaire en compétition une équipe de rêve. L’équipe nationale de football des Samoa américaines, d’abord traumatisée par une défaite historique 31-0 contre l’Australie en 2001, veut laver son honneur en se qualifiant pour la Coupe du Monde de 2014. Pour cela, l’équipe fait appel à l’entraîneur néerlandais Thomas Rongen, une figure du foot aux Etats-Unis, qui prend ce challenge à bras le corps et qui trouve une équipe fantastique, décidée à se battre. Jaiyah Saelua, premier joueur transgenre de la Fifa et membre de cette équipe sera à Tahiti pour présenter le film. Une belle rencontre en perspective avec le public.

Mais le sport, c’est aussi l’école de la vie. Le film hors compétition Sport for change nous donne une très belle leçon en nous contant l’engagement de Curtis Palmer, un Australien champion paralympique de rugby qui vient passer une semaine aux îles Salomon, une des nations les plus pauvres du Pacifique, pour coacher un groupe d’handicapés en fauteuil roulant. A travers le sport, il va aider les autres à retrouver une joie de vivre. Ney Coyne, premier lutteur aborigène d’Australie occidentale, aimerait lui aussi retrouver cette joie de vivre dans le film hors compétition Fighter. La disparition de sa mère l’a plongé dans une dépression et l’a éloigné du ring. Mais avec l’aide de ses proches, il se sent prêt à reprendre le combat.

encadré

Interview de Michèle de Chazeaux

« L’authenticité fait la qualité du festival »

Michèle de Chazeaux, productrice et animatrice, a la lourde responsabilité, avec l’ensemble du comité de pré-sélection*, de donner chaque année une couleur au FIFO en retenant une quarantaine de films. Autant de documentaires qui ont pour dénominateur commun l’Océanie dans toute sa diversité et son authenticité.

Chaque année, vous endossez le rôle de membre du comité de présélection. Est-ce que vous ne ressentez pas une lassitude vis-à-vis du FIFO ?

Non, on ne se lasse pas du FIFO parce qu’à chaque fois on a son lot de surprise, d’étonnement, d’émerveillement, mais aussi de questionnement. Le FIFO n’est pas qu’une célébration de l’Océanie, c’est aussi un questionnement sur cette société en pleine évolution. On ne peut pas se lasser de cela, à aucun moment, même si parfois on peut être fatigué de visionner des films pendant quatre ou cinq heures.

Oui, car pour le jury de présélection, il n’y a pas que des bons films.

Il n’y a pas que des bons films, c’est vrai, mais finalement ce qui est stressant c’est d’avoir des films attachants qu’on aimerait bien voir en compétition ou hors compétition, dont on sait pourtant qu’ils sont condamnés soit parce qu’ils sont trop longs, ou parce qu’ils n’ont pas l’objectivité qu’on attend du FIFO, parfois certains sont même hors sujet. Ils peuvent être très bons, mais ils ne pourront être choisis. Il y a ce côté frustrant de devoir écarter des films de la liste dès le départ.

L’authenticité, l’objectivité, c’est une constante au FIFO ?

Absolument. C’est un critère obligatoire au FIFO qui, je pense, fait la qualité de ce festival. L’authenticité, l’objectivité des documentaires permet de ne pas mettre en doute le questionnement soulevé ou la tradition développée. C’est une qualité majeure du FIFO à laquelle nous tenons beaucoup.

Vous arrive-t-il parfois, sur certains documentaires, de douter de cette authenticité ?

Pas vraiment. Le comité de présélection s’est parfois étonné de la couleur donnée au documentaire ou de l’angle sous lequel il était vu, mais on a compris tout de suite que c’était un angle particulier propre à une région, propre à un continent. Par exemple, l’Australie a une manière différente de voir les choses, qui est davantage d’avant-garde que la Nouvelle-Calédonie, l’île de Pâques ou Tuvalu.

Les documentaires anglophones et francophones marquent-ils de vraies différences ?

Il faut tout d’abord dire que les anglophones ont plus de moyens. Ils produisent beaucoup plus, parce qu’ils ont plus de moyens, mais aussi parce ce sont des territoires plus grands, avec une richesse de sujets possibles. Difficile de faire rivaliser la Polynésie française avec l’Australie ! Et puis il y a des différences dans le choix des sujets. Les productions francophones sont souvent plus attachées au présent et au passé et n’ont peut-être pas la projection sur la mondialisation qu’ont l’Australie et la Nouvelle-Zélande par exemple. Ces derniers sont plus axés sur les problèmes de transformation de la société, de confrontation avec des questionnements qu’ils n’avaient pas l’habitude d’avoir.

Cent-soixante films inscrits, une soixantaine sélectionnée. Est-ce qu’il y a des films qui marqueront les esprits ?

Oui, il y a des films qui devraient interpeller le jury et le public très fortement. Mais je ne fais pas la Pythie, je laisse aux films choisis en compétition toute leur chance.

Le FIFO c’est aussi la diversité des sujets autour d’un dénominateur commun : l’Océanie.

On pourrait dire qu’il y a des classiques : ce sont les portraits qu’on retrouve tous les ans, l’histoire très présente aussi, tout comme les revendications identitaires toujours d’actualité. Mais en réalité, la couleur, l’approche de ces documentaires est très diverse, certains peuvent nous surprendre dans leur construction, mais aussi dans leur questionnement. Je me souviens lors des présélections d’un documentaire que nous n’avons pas retenu à regret et qui abordait la question du don du sperme. Un sujet difficile qui était traité à la fois du côté de celui qui donne la vie, celui qui en pro te et l’enfant qui voit le jour. Ce triangle de témoignages était intéressant. Il faut oser le faire.

La diversité en e et se retrouve aussi dans l’originalité des sujets. On pense forcément au grand prix du FIFO 2015, le documentaire Tender sur le thème de l’organisation des funérailles.

Ca, c’est l’Australie ! Ce pays nous a toujours étonnés. Il su t de se rappeler de l’histoire d’une travailleuse du sexe pour les handicapés (Scarlet Road, Prix du Public du FIFO 2013). Les Australiens posent un regard sincère sur les réalités. Ce sont souvent des problématiques dont on n’ose pas trop parler, mais qui sont bien présentes.

 

Les écrans du fenua changent de nom

Jusqu’à présent réservé aux films polynésiens, l’espace « Les écrans du fenua » s’ouvre aujourd’hui aux petits pays et change de nom en devenant la sélection « Pacific islands ». L’idée est de mettre en avant les documentaires qui ont pour thématique un des petits pays insulaire du Pacifique. Pour cette première édition, huit films seront présentés dont trois dédiés à la Polynésie française. A la fin des projections, le public est invité à voter et un Prix du Public sera remis le soir de la cérémonie de clôture et de remise des prix.

 

 

 

13ème FIFO : PRATIQUE

  • Du 30 janvier au 07 février
  • Projections, ateliers, rencontres, …
  • Voir le détail de la programmation dans notre 
programme ainsi que sur www.fifo-tahiti.com

+ d’infos : 87 70 70 16 ou 40 50 31 15 -
FB : Fifo Tahiti / Contact : [email protected]

 

 

Vous aimerez aussi...