N°99 – Le pahu d’hier et d’aujourd’hui

Rencontre avec Libor Prokop, musicien.

Texte : VT.

Le tambour polynésien, plus connu sous le nom de « pahu », fait partie de ces instruments de base de l’orchestre traditionnel. Raison pour laquelle il fait aujourd’hui l’objet d’un concours spécifique dans le cadre du 11ème Hura Tapairu. Libor Prokop, musicien et consultant spécialiste auprès du jury nous livre à sa manière l’histoire de cet instrument polynésien.

« Le pahu est l’instrument le plus prestigieux qui puisse exister ». Les propos de Libor Prokop résonnent tel un tambour que l’on frappe à mains nues comme pour démarrer une cérémonie. « On ne peut pas concevoir un spectacle sans le pahu, c’est incontournable », précise-t-il. En effet, le pahu fait partie du quatuor des percussions polynésiennes entre le to’ere, le tari parau et le fa’atete. Ces instruments de base de l’orchestre traditionnel servent à l’accompagnement des danses polynésiennes mais pas seulement. Il faut d’ailleurs veiller à ne pas confondre ce tambour et les autres instruments puisque le mot pahu désigne quelques fois et de manière générale l’ensemble des percussions polynésiennes.

« D’un point de vue historique, le pahu s’appelle tari parau. Aujourd’hui, on spécifie sa fonction, car le pahu servait à tari, à communiquer, à envoyer un message. Les autres instruments ont aussi cette fonction, mais le pahu vient pour l’éveil des choses. Le pahu, c’est vraiment le début de la cérémonie », commente le spécialiste.

Un pahu, une fonction

Dans la Polynésie pré-européenne, il existait diverses sortes de pahu. A chacun sa fonction spécifique. On distingue quatre pahu : le pahu nui a te toa, qui servait à encourager les guerriers pendant le combat ; le pahu a te arii était consacré au roi ; le pahu upaupa rythmait les soirées de fête et le pahu nui servait aux cérémonies des marae.

« Selon les Cook, avant l’installation en Polynésie centrale, il y avait ce pahu nui, instrument de guerre. On imagine qu’il a servi lors de migrations comme pour montrer que l’on ne s’installe pas de manière paisible sur une terre. Ça servait aussi à montrer qu’il y a de la puissance, et on appelle ce pahu le t’ai moana, littéralement le pahu « dont le son rappelle l’océan », évoquant quelques chose de vaste, de puissant. Le pahu nui va voyager en arrivant en Polynésie centrale, puis en allant vers les Paumotu ( Tuamotu) avant de bifurquer vers Tahiti pour terminer à Taputapuatea, où il deviendra l’emblème de l’alliance, un instrument de paix : au pahu nui », raconte Libor Prokop.

Structure du pahu

Le pahu peut atteindre en moyenne 60 cm de haut et 30 cm de diamètre, mais ces mensurations diffèrent selon le modèle, donnant ainsi un éventail de sonorités plus ou moins graves qui correspondent aussi au langage parlé. « C’est assez codifié, il y a le tom, l’aspect masculin et le ti, l’aspect féminin. Les rythmes et la technique sont liés au langage : Le pahu va restituer les rythmes fondamentaux de la langue mais encore plus loin, des membres organiques. Les rythmes du point de vue des vagues sur le récif, par exemple », explique le musicien.

Le pahu est creusé directement
dans le tronc d’un arbre, le uru,
le ati, le vi, le tamanu. Une fois
creusé, le tambour est recouvert d’une membrane, tendue par des cordelettes. Mis à disposition sur un piédestal vertical, le musicien joue non pas assis, mais debout. Le pahu le plus impressionnant jamais retrouvé mesure 2,45 m avec une circonférence de 45 cm. Il est actuellement exposé au musée de Grenoble. Il a été donné à la Ville par Henri Murgier, juge suppléant au tribunal de Tahiti en 1846. Le grand pahu me’ae acquis par le Musée de Tahiti et des Îles en 2007 mesure 2,40 m.

Le pahu me’ae

Le pahu avait un rôle prédominant au sein de la culture marquisienne, où il jouait un rôle social de premier ordre. Il était détenu uniquement par les tribus les plus puissantes en raison de son caractère sacré. Chaque événement était relié à un pahu spécifique – la spécificité du pahu étant utilisée selon sa taille et selon les occasions

encadré

Les autres instruments de percussions

Le to’ere : originaire des îles Cook, le to’ere est aussi fabriqué de manière artisanale. L’artisan ouvre une lèvre dans un morceau de bois massif et creuse le corps afin de trouver la résonnance idéale. La longueur et la proportion de l’instrument comme la qualité du bois ont une influence sur le son final.

Le tari parau : est l’équivalent en Polynésie de la grosse caisse des orchestres occidentaux. Il comporte deux membranes. Aucun bois n’est spéciale- ment indiqué pour sa fabrication, pourvu que le son soit grave et sourd. Le tari parau est frappé généralement avec une baguette fichue de feutrine, mais les musiciens peuvent se servir de leurs mains nues pour étouffer les vibrations, voire donner de légers contretemps.

Le fa’atete : tambour à une seule membrane. Le fa’atete est taillé, pied et tambour, dans une seule pièce de bois qui peut être du ti, du uru ou du vi. Comme le pahu, la membrane est tendue par un système d’anneaux, de ficelles et de bâtons.

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