N°96 – « L’importance de partager le patrimoine culturel de la communauté chinoise polynésienne »

GUIY YEUNG-SI NI TONG02Guy Yeung, responsable de la commission culturelle Si Ni Tong

Si Ni Tong regroupe un certain nombre d’associations culturelles chinoises ayant pour fonction de travailler, ensemble, pour le bien de la communauté. Guy Yeung est responsable de la commission culturelle de la fédération. En cette période de commémoration, celle des 150 ans de l’arrivée de premiers migrants chinois à Tahiti, nous avons souhaité l’interviewer.

 

Pouvez-vous nous rappeler l’histoire de Si Ni Tong ?

 

En 1872, les premiers Chinois arrivés à Tahiti organisent une entraide dans le cadre de la société de secours mutuel chinoise. Ils procèdent alors à l’acquisition de terres, devenues aujourd’hui les lieux où les activités de la communauté chinoise s’organisent. C’est le 31 mai 1911 que l’appellation officielle « Si Ni Tong » apparaît avec la création de la société civile immobilière, transformée en 1995 en fédération. Aujourd’hui, elle regroupe dix associations.

 

Quel était le but premier de cette association ?

 

Elle a été créée pour venir en aide à ceux qui étaient dans le besoin. A l’époque, les Chinois étaient livrés à eux-mêmes. Arrivés au nombre de 1010 sur Tahiti en 1865, recrutés par un planteur écossais William Stuart, les coolies chinois ont été pratiquement abandonnés après la faillite de la société de plantation. Entre 300 et 400 d’entre eux sont restés sur le territoire, faute souvent d’avoir les moyens de repartir en Chine. C’est dans ce contexte que s’est créée la société de secours mutuel chinoise.

 

Quelles sont les activités et les actions que vous proposez à la communauté ?

 

Nous entretenons à Mamao un temple taoïste reconstruit en 1985. Sur le même site, deux foyers d’hébergement dédiés aux personnes âgées sont aujourd’hui condamnés, car trop vétustes, mais nous souhaitons les rénover. Nous gérons aussi un cimetière chinois très important. A l’époque, les Chinois n’étaient pas acceptés dans les cimetières communaux donc nos anciens ont dû construire un cimetière privé à Arue. Aujourd’hui, il compte plusieurs milliers de tombes. Mais le grand projet depuis de nombreuses années reste la mise en valeur des 3500 m² que nous possédons, au siège de Si NI Tong, entre le marché et la Mairie de Papeete.
Sur le plan culturel, quel est le programme de Si Ni Tong pour cette rentrée ?

 

Nous allons donner une suite à la première exposition organisée dans le cadre des 150 ans de l’arrivée des premiers Chinois sur Tahiti et qui s’est déroulée en juin dernier à la Maison de la Culture. Elle revenait sur l’histoire des coolies arrivés en 1865. Cette dernière a rencontré un certain succès. Les gens ont été contents de (re)découvrir une partie de leur histoire. Nous avons été très étonnés du nombre de personnes qui ont bien voulu témoigner et parler de leurs ancêtres. Ils ont vécu cela comme une reconnaissance…

 

Cette nouvelle exposition doit se dérouler en septembre. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’elle va montrer ?

 

Cette exposition qui se déroulera du 1er au 12 septembre à la salle Muriavai se décline en deux volets, un volet historique et un volet artistique. La mémoire Goupil, commanditée par 50 patentés chinois, sert de prétexte pour présenter le contexte historique de la communauté chinoise entre 1873 et 1911 ainsi que la généalogie de bon nombre d’entre eux dont les descendants peuvent être fiers. Rendre hommage à ces résistants à la discrimination fiscale, tel en est le thème. Pour le volet artistique, nous avons invité une peintre originaire de Shenzhen qui exposera ses œuvres.

 

Pourquoi avoir invité cette artiste ?

 

Les relations de la Chine avec notre Pays se font surtout avec le Nord et l’Est du Pays. Or, la communauté chinoise de Polynésie a ses racines dans le Sud de la Chine entre Canton et Hong Kong. Notre intention est de créer un pont culturel entre la communauté et ses racines. Fu Xiao Lan, qui est originaire de Shenzhen d’où sont issus les premiers migrants chinois, sera la première pierre. Elle parle le hakka et expose pour la première fois en Polynésie. Privée de ses mains, cette peintre utilise ses deux doigts restants et réalise des œuvres remarquables. Elle est très connue pour sa technique imparable et sera une ambassadrice inroyable.

 

Vous avez parlé d’une 3ème exposition ?

 

Effectivement, cette exposition, qui se tiendra fin octobre, poursuivra l’historique de la communauté chinoise de 1911 à 1973. Elle évoquera les deuxième et troisième vagues d’immigration « massive », la période d’entre-deux guerres et l’illusion d’un retour en Chine en 1947. Nous parlerons aussi de la reconnaissance de la Chine par la France en 1964, provoquant une vague de naturalisations qui se terminera avec la loi de janvier 1973 accordant la nationalité française à tous ceux qui sont nés en Polynésie. Afin d’aérer l‘exposition, un éclairage sera donné sur l’apport des Chinois à la communauté polynésienne notamment en matière culinaire.

Une grande manifestation est prévue également pour commémorer cet anniversaire des 150 ans de l’arrivée des Chinois…

 

Oui, en effet. Cet événement, qui va avoir lieu à Atimaono, va d’ailleurs clôturer l’année 2015. Il s’agit d’une commémoration avec une reconstitution géante. Les associations des descendants des premiers coolies de tous les archipels vont se regrouper pour organiser cet événement. Plusieurs milliers de personnes seront concernées.

 

Si Ni Tong joue donc un rôle important dans la transmission de l’histoire et de la culture chinoise en Polynésie ?

 

Oui, Si Ni Tong joue un rôle fédérateur. Elle est l’organisation représentative de la communauté chinoise de Polynésie. Elle est incontournable pour toutes les actions nécessitant une importante coordination. En dehors de ses activités fondamentales au plan social, elle a le projet de créer un petit musée de la présence chinoise en Polynésie qui sera hébergé dans le centre socio-culturel dont la construction est prévue sur le site de Mamao. Elle travaille aussi avec l’Institut Confucius, qui est l’équivalent de l’Alliance Française pour la Chine. L’antenne polynésienne a vu le jour il y a seulement deux ans.

 

Dans quel cadre travaillez-vous avec cette institution ?

 

Le siège de Si Ni Tong héberge des cours décentralisés pour l’enseignement du mandarin. A titre individuel ou au plan collectif, les membres de l’association participent aux activités culturelles organisées par l’Institut à l’Université de Polynésie. Ainsi, dans le cadre des journées d’étude qui vont se tenir les 10 et 11 septembre 2015 sur le thème « Diasporas chinoises et identités autochtones », plusieurs membres ont été sollicités pour participer en tant qu’intervenants locaux aux côtés des intervenants internationaux de Malaisie, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de Hawaii.

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