N°92 – Le panier marché

au march+® 2Service de l’artisanat traditionnel – Te pihatoro’a a te rima’i

 

Rencontre avec NateaMontillierTetuanui du Service de la Culture et du Patrimoine, Patricia Tsing, du Service de l’artisanat traditionnel, Isabelle PahioGuardia, fondatrice de la marque Fenua Pop, Tereopa, artisan au marché de Papeete.

Texte et photos (sauf mention) : ASF

 

 

Naturel ou customisé, pratique ou élégant, le panier marché – dit pàniemàtete – est le panier de tout le monde, symbole d’un retour aux sources.

 

Les contenants en fibres ou paniers ont toujours accompagné les Polynésiens, que ce soit pour le quotidien ordinaire ou le sacré. Le panier était là pour mettre les ustensiles de pêche, il servait pour voyager, parfois il devenait meuble de rangement suspendu pour échapper aux rats, ou bien se faisait sacré renfermant les objets tapupour les femmes et les enfants. On l’utilise comme contenant dans le four tahitien, on le retrouve comme nasse pour les pêcheurs. Bien plus contemporain, il y a un panier que nous connaissons tous : le panier marché. Celui-ci daterait du début du XXème siècle et porte le nom en tahitien de pàniemàtete – « màtete » étant la transformation du mot anglais « market ». Est-il, comme le ‘ukulele et le tifaifai, une appropriation d’un objet extérieur à la Polynésie ? Ou est-ce une simple évolution d’un panier existant ? Nul ne semble le savoir réellement.

 

Un incontournable sur tous les étals

 

Seule certitude, sur les étals du marché de Papeete, les paniers du marché trônent en bonne place à côté des chapeaux tressés. Tereopa s’affaire devant son stand pour aligner les trois tailles qu’il propose entre 1000 et 1800 Fcfp. L’homme est originaire de Rimatara, aux Australes, l’archipel sans conteste de la vannerie, et tresse depuis toujours. Ceux qu’il vend au marché ont été confectionnés par lui et sa femme. Quelques rouleaux de pandanus glissés sous son étal et un cube en bois pour gabarit lui permettent de se remettre à la tâche lorsque le chaland se fait rare. Combien de temps lui faut-il pour réaliser un de ces paniers ? « Je ne peux pas dire, des fois je m’arrête et je reprends plus tard ». L’art du tressage ne compte pas les heures visiblement.

 

Un symbole et des modes

 

Le panier marché, c’est le panier de tout le monde. Des hommes et des femmes, des jeunes et des anciens, des contestataires et des bourgeois selon les époques. Lorsque ce sont les hommes qui l’utilisent pour aller au marché, on plaisante sur le nombre de paniers marché que doit transporter le mari volage. A l’époque des trucks, on le croise à l’épaule des jeunes mamans ; à la fin des années 70, il est le symbole d’un retour aux sources pour les opposants aux essais nucléaires ou pour ceux qui refusent la culture occidentale. Dans les années 80, c’est l’artiste Bobby qui le remet sur le devant de la scène, ne se déplaçant jamais sans son panier marché, même sur sa bicyclette. Les lycéens se l’approprient dans les années 90 et en font leur cartable. C’est peut-être d’ailleurs à cette époque qu’il s’élargit, devant accueillir les cahiers et les livres. Jusque-là, le panier marché était étroit, presque sans fond.

 

 

Les jeunes créateurs le revisitent

 

Puis pendant une longue période, le panier marché tombe un peu en désuétude. Ce sont finalement des créateurs, comme Isabelle Pahio Guardia de la marque Fenua Pop, qui le dépoussièrent, le féminisent. « J’ai toujours utilisé le panier marché, tout comme le chapeau d’homme des Australes, mais j’ai eu envie à un moment de m’amuser, de le rendre plus fun, de le féminiser. C’est surtout lorsque j’ai eu l’idée de créer une sorte de chaussette très colorée à glisser sur le panier que les choses se sont précipitées » se souvient Isabelle qui a créé sa marque Fenua Pop en 2011. Si ses paniers se positionnent sur du haut de gamme avec l’ajout de cuir, de pompon en more, etc., l’esprit du sac et surtout sa confection reste identique, avec un travail de tressage artisanal. Ce renouveau créatif a insufflé à beaucoup de femmes l’envie de se réapproprier le panier marché classique et simple tout en le customisant. Loin du pandanus et de l’artisanat local, le panier marché a même inspiré tout récemment une jeune marque, Fenua United Nation, qui en a repris la forme et les techniques du tressage pour des sacs colorés en tissus.

 

Retour aux sources

 

Source d’inspiration ou revisité pour les uns, naturel et simple pour les autres, le panier marché réussit à rassembler des univers différents, des cultures différentes tout en étant le symbole d’un retour aux sources et aux ressources, à l’instar de ce samedi 21 mars dans les jardins de la mairie de Pirae. Ce jour-là, dans le cadre de la 3e édition du EarthHour Tahiti 2015, le public était invité à se prendre en photo avec son panier tressé sur le tapis rouge. Les artisans, véritables acteurs du développement durable, proposaient même des paniers à ceux qui n’en avaient pas.

 

 

 

 

D’abord, il y a le pandanus

 

« Les plus longues feuilles vertes (…) sont détachées du tronc (…)environ tous les trois mois, quand les feuilles s’écartent du tronc. En faisant glisser un couteau le long de l’arête médiane, on élimine les épines. Trois par trois, elles sont reliées par les pointes en une tresse (‘iro: rurutu; firi: rimatara)  qui lie ainsi par leur extrémité 200 à 300 feuilles de 1 à 1,5m de long. Elles sont suspendues à l’air libre (tära’i) deux semaines, à l’abri de la pluie et de l’humidité qui nuit à leur qualité, puis mises à sécher (taua’i) environ une semaine, sur l’herbe en plein soleil jusqu’à ce qu’elles perdent leur légères traces rouges. On coupe le bout trop mince de chaque feuille et on jette la tresse de séchage. Chaque feuille est enroulée (pötaro) autour de la main gauche dans le sens des aiguilles d’une montre puis dans le sens inverse, laissant paraître la face externe de la feuille qui ainsi ne se déroulera plus. Pour ce long travail, à Rurutu et Rimatara, on demande l’aide (orooro) de toutes les familles du village, en particulier des enfants à partir de 10 ans. Ensuite, on classe les feuilles selon leur longueur, largeur et qualité pour faire les rouleaux (pipita), face externe de la feuille (aro ‘ino) vers l’extérieur, face interne (aro maita’i) vers l’intérieur. Les feuilles les plus proches du cœur (‘ömou pae ‘ore)  donnent des fibres plus blanches. (…) Dans de nombreuses îles de Polynésie (Tahiti, Samoa, Mangareva,…), on passait autrefois les feuilles au-dessus d’un feu doux de bourre de coco puis on les exposait au soleil pour les blanchir; de nos jours, on peut mettre à bouillir les jeunes feuilles, mais elles deviennent alors plus fragiles. On les lissait à l’aide d’un morceau de noix de coco, de coquillage, de nacre ou d’os (de baleine). Aujourd’hui, on utilise le revers d’un couteau. Les dimensions et la qualité des feuilles déterminent le prix et le diamètre du pipita : il comprend de 7 à 60 feuilles et mesure de 7 à 45 cm de diamètre; plus un rouleau est frais et blanc, plus il est apprécié. »

 

Extrait de la publication

Natira’a – le tressage, un lien entre passé et présent

Auteur: NateaMontillierTetuanui/Service de la Culture et du Patrimoine

Editeurs scientifiques : Musée de Tahiti et des îles/ Ministère de la Culture

 

 

Légende pour le tressage (crédit Fenua Pop):

Le panier marché est généralement réalisé avec un simple tressage à partir du point raraa. Pour fabriquer le panier, les artisans utilisent un gabarit, une sorte de boîte en bois.

 

Légendes pour le marché

Tereopa est originaire des Australes, de Rimatara. Il tresse les paniers qu’il vend ensuite au marché.

 

 

Recherche paniers marché

Dans le cadre de sa politique de conservation, le Musée de Tahiti et des Îles est à la recherche de paniers type marché et autres objets en vanneries (porte-monnaie, chapeaux) datant d’avant 1970.

Si vous en possédez, merci de prendre contact avec l’équipe du Musée au 40 54 84 35.

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