N°92 – La libre expression des artistes chinois

Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Manaha___ Ye Yongqing - ___ Bitter moonLunes defiel - ____Acrylic on canvas -_80cm - 2015 - copie

Rencontre avec Theano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti et des Îles.

Texte : SF. Photos : DR.

 

Sur les huit invités de l’exposition « Ames errantes » qui se déroule jusqu’au 13 juin au Musée de Tahiti et des Îles, trois artistes chinois ont fait le déplacement sur le fenua. Hiro’a vous propose d’en découvrir un peu plus sur leur vie et leur œuvre.

Au début des années 1980, l’approche de l’art de Paul Gauguin aurait permis de libérer la pensée et les sentiments des artistes chinois. L’exposition intitulée « Ames errantes », très attendue du public polynésien, montre huit exemples de cette nouvelle ère. Parmi les huit invités, trois peintres de l’Empire du milieu sont présents sur le fenua : Yonghong Song, Yongqing Ye et Zhaoyang Yin. Leur venue est une belle occasion pour les artistes locaux et les amateurs d’art de rencontrer des peintres à la renommée mondiale, au style unique et singulier.

La réalité du quotidien

Yonghong Song, peintre originaire de Quyang, diplômé de l’académie de Fine Arts de Zhejiang, a crée un style d’expressionnisme qui a eu un impact universel dans les années 1990. Dès ses débuts, cet artiste a introduit son art dans sa vie familiale quotidienne. Dans ses œuvres, l’homme soulève les problèmes du quotidien auxquels nous ne prêtons pas toujours attention mais que lui trouve extrêmement graves. Observateur assidu de la vie réelle, Yonghong Song peint des détails qui ont échappé aux gens. Dans les œuvres qu’il expose au Musée de Tahiti et des îles, l’une intitulée « Studio », réalisée entre 2011-2012, montre des chiens qui semblent errer dans la cour d’une maison où l’homme est totalement absent. Dans une atmosphère obscure où la noirceur rappelle parfois celle de la vie, ces chiens errants renvoient vers ceux que l’on retrouve par dizaine dans les rues de Chine mais aussi de Polynésie française. Une réalité commune aux deux pays.

L’expression conceptuelle et graphique

Son camarade, Yongqing Ye, artiste contemporain très talentueux, est l’un des représentants de la peinture graphique dans l’histoire de l’art. Ce peintre, né à Kunming en 1958, en plein ère Mao Zedong alors Président de la République de Chine depuis trois ans, a étendu la rigueur des techniques picturales de la Renaissance aux traditions des lettrés chinois. Un style par lequel l’artiste arrive efficacement à traiter des problématiques de la société contemporaine. Dans son tableau « Lunes de fiel », daté de 2015, l’artiste parle de péché originel avec notamment les symboles de la lune et du serpent. La femme nue rappelle l’exotisme mais aussi les vahine de nos îles qui habitent les tableaux de Gauguin. Dans son expérience de la décennie écoulée, par sa manière d’exprimer les symboles les plus simples, Yongqing Ye montre des oeuvres d’apparence conceptuelles mais qui comportent en fond un aspect historique majeur.

L’angoisse au service de l’art

L’art de Zhaoyang Yin exprime pleinement l’angoisse du tournant du millénaire, au point qu’il constitue l’un des arts les plus influents du nouveau siècle. L’artiste, qui vit aujourd’hui à Beijing, choisit librement des symboles de l’histoire et de la réalité ; il insère dans ses œuvres sa compréhension en dépeignant des émotions absurdes mais proches de la réalité. Récemment, l’artiste a renouvelé son intérêt pour l’histoire et la particularité de sa civilisation. Il a tenté d’introduire dans l’expression de sa propre culture traditionnelle les techniques et sa connaissance de l’art occidental qu’il comprend et maîtrise. Le spectateur retrouve ainsi dans sa peinture « The Question of Qiulin » de 2014, exposée au Musée de Tahiti et des îles, une touche d’impressionnisme.

La libre expression

A l’instar de Gauguin et de son esprit libre et désinhibé, ces artistes chinois s’appuient sur leurs propres expériences et sur leur compréhension de la société et de la vie pour créer leurs œuvres. Ils vont aussi chercher les sujets de leur art en leur for intérieur. Et, comme l’indique le titre de l’exposition, ils sont chacun des « âmes errantes » riches de leur créativité, qui donnent au public différentes directions morales. Les artistes de cette exposition n’ont pas des styles ou des intérêts artistiques communs ; leur différence incarne au mieux la manière dont les artistes d’aujourd’hui comprennent et appliquent la pensée de Gauguin : la libre expression.

 

Exposition « Ames errantes » : Pratique

Jusqu’au 13 juin

Au Musée de Tahiti et des Iles

Ouvert du mardi au dimanche, de 09h00 à 17h00

Tarifs : 600 Fcfp – Gratuit pour les scolaires, les étudiants et les membres de l’association des Amis du Musée, sur présentation d’un justificatif. Tarif de groupe de plus de 10 personnes : 500 Fcfp

+ d’infos : 40 54 84 35 – www.museetahiti.pf

 

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