N° 89 – « Un beau documentaire n’est pas forcément beau, mais il me touche »

_MG_3521Jan Kounen, réalisateur, président du Jury du 12ème FIFO

Connu du public pour le film « Dobberman », avec Vincent Cassel et Monica Bellucci, Jan Kounen s’est également distingué par son adaptation de « Blueberry, l’expérience secrète », ou encore pour son documentaire sur le chamanisme, « D’autres mondes ». Un cinéaste tout en nuanceS qui fonctionne à l’intuition et présidera, avec un enthousiasme marqué, le Jury du 12ème FIFO. L’occasion pour Hiro’a de s’entretenir avec lui sur son métier et sa vision de celui-ci.

Comment avez-vous découvert le FIFO et comment imaginez vous ce festival ?

Des cinéastes m’en ont parlé à Paris et surtout un ami réalisateur, Benjamin Vautier, qui s’est installé à Papeete. Tout le monde est enthousiaste au sujet de ce festival, son ambiance et la qualité des films projetés. Au-delà, je n’imagine rien pour mieux le découvrir. Je sais que la sélection est de grande qualité, j’attends donc des films qui me fassent découvrir des mondes cachés, des personnages, des histoires… Je vais redevenir spectateur et à la fois rencontrer des cinéastes et leurs films, c’est toujours un moment privilégié de partage.

Que connaissez-vous de l’Océanie ?

Je suis allé tourner en Australie et en Nouvelle Zélande, et j’ai eu la chance de venir passer quelques jours à Moorea et dans les îles polynésiennes. A chaque fois, de beaux souvenirs, de belles découvertes.

Quel regard portez-vous sur cette région et sur le cinéma océanien ?

Le cinéma océanien, c’est comme le cinéma européen : difficile d’en parler sinon de dire que c’est le cinéma d’une partie du monde avec des peuples et des cultures très différentes. Il y a une grande créativité et beaucoup de talents dans la fiction, acteurs, réalisateurs, producteurs, en Australie et Nouvelle Zélande par exemple. Mais j’ai du mal à me dire que « Mad Max » est un film océanien… Je connais davantage le monde de la fiction, mais je vais rencontrer le documentaire de l’Océanie et ce sera vraiment une découverte.

Comment concevez-vous votre rôle de président du jury du FIFO ?

Très simplement, vraiment. Il faut juste choisir le meilleur film ! Ensuite, pour les critères, ils sont différents pour chacun des membres du jury : le plus émouvant ? Le plus surprenant ? Le plus instructif ? Le plus créatif ? Sinon, j’ai une méthode pour la délibération qui me vient d’un cinéaste, qui lui même l’a apprise d’un grand metteur en scène qui lui a été divulguée par un réalisateur du muet ; mais elle reste secrète. Cela fait partie de la tradition depuis l’origine du cinéma, d’ailleurs je crois que c’est la première fois que l’on en parle publiquement. J’espère que je ne vais pas me faire tirer l’oreille par mes confrères !

Court-métrage, long-métrage, fiction, documentaire : vous maniez tous les registres avec le même intérêt ?

Certaines histoires réclament 15 minutes d’autres 2 heures, certains sujet la fiction, d’autres le documentaire, oui, je fais des films et peu importent le genre ou la durée. Ce qui compte c’est ce que vous avez à raconter et à transmettre. Je trouve également agréable de varier les plaisirs.

Vous avez réalisé nombre de films ayant pour sujet le chamanisme, aujourd’hui vous avez notamment un projet de film sur la culture de la cigarette électronique : qu’est-ce qui guide vos choix en tant que cinéaste ? 

L’intuition et le désir : quand le film germe dans votre esprit et votre cœur, ils se tissent pour former « l’intention du film », un sentiment mystérieux qui reliera votre force vitale au film, vous permettant de vous dépasser, et vous guidera sans que vous vous en rendiez compte dans l’aventure de sa création. C’est pour cela que mes films sont différents. Quand je les commence, je ne sais pas pourquoi je dois les faire, mais je dois… Pour « Vape Wave »*, je sais pourquoi je le fais, c’est simplement un acte citoyen face au tabac, un problème de santé public vis-à-vis duquel il y a une totale désinformation, mais je ne sais pas encore à quoi ressemblera le film à la fin !

Au FIFO, vous ne visionnerez que des documentaires. Selon vous, qu’est-ce qu’un « beau » documentaire ou un documentaire « réussi » ?

Un beau documentaire n’est pas forcément beau, mais il me touche. Il met le doigt avec force et délicatesse sur le centre de mes émotions. Un documentaire réussi peut être un film un peu bancal. Mais au final, je suis en fusion avec les personnages et le sujet.

Quel est le dernier film qui vous a particulièrement marqué ?

« Interstellar ». C’est presque un documentaire sur l’espace intérieur, voilà un film qui est beau et réussi.

Qu’est-ce qui vous a le plus appris au cours de votre carrière ?

Mes erreurs ont toujours été mes meilleures leçons d’apprentissages, et donc à force d’en faire j’ai compris avec joie que j’apprendrai jusqu’à mon dernier souffle de cinéaste.

Un message à nos lecteurs en attendant le FIFO ?

Cher lecteur, merci d’avoir lu mon interview jusqu’au bout, j’en profite pour vous souhaiter de voir au FIFO une incroyable sélection de films !  Bon maintenant vous pouvez fermer ce journal, vous le reprendrez demain matin, il est temps d’aller au lit pour être en forme pour le festival.

* « Vape wave » est un projet de film sur le phénomène mondial qu’est la cigarette électronique. Jan Kounen souhaite plonger dans l’univers de la vape pour faire découvrir au public cette révolution culturelle, véritable lutte contre le fléau du tabac.

 

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