N° 85 – « Mon passage au Centre m’a permis de découvrir de quoi j’étais capable »

Vaihere Tauraa, artiste

 

Diplômée du Centre des Métiers d’Art en 2011, option sculpture, Vaihere a pu ensuite, depuis Papeete, passer le concours d’entrée à l’Ecole supérieure d’arts de Toulon Provence Méditerranée grâce au partenariat passé entre les deux écoles. Sa licence désormais en poche, Vaihere revient pour nous sur son parcours et ses aspirations.

 

Pourquoi avais-tu souhaité suivre le cursus du Centre des Métiers d’Art ?

La curiosité ! Faire cette formation avait été pour moi comme une évidence, car le Centre des Métiers d’Arts regroupe et enseigne tous les savoir-faire polynésiens, de la compréhension des motifs à la sculpture en passant par le tressage et les arts numériques. Après, c’est à chacun de creuser car 3 ans, c’est court…

 

Que retiens-tu de ces trois années de formation ?

Ces 3 années ont été très riches en émotions, il y a eu autant de moments de doute que de joie et de fatigue. J’y ai vécu mes plus belles expériences et découvert un autre monde : celui de l’art et de la culture polynésienne. Nous avons eu la chance de participer à de nombreux projets très intéressants, notamment avec le Musée de Tahiti, le Conservatoire, la Maison de la Culture, et bien d’autres. En toute modestie, j’ai l’impression d’être ressortie de cette formation avec de l’or dans les mains.

 

Comment et pourquoi as-tu rejoint l’Ecole supérieure d’arts de Toulon Provence Méditerranée ?

Deux amis, diplômés du Centre également, et moi-même, avons eu l’opportunité de passer le concours d’entrée à l’école supérieure d’arts de Toulon via le Centre des Métiers d’Art. C’est-à-dire que nous avons reçu les mêmes épreuves qu’en France mais avec un décalage de 12 heures. Il y avait un questionnaire sur le parcours et les motivations des candidats, une dissertation sur un sujet lié au domaine artistique, une épreuve écrite de langue et une épreuve plastique. C’est une chance d’avoir pu passer ce concours sans avoir un billet d’avion à payer ! Je n’ai pas hésité un seul instant à tenter l’expérience, d’autant que j’ai été reçue.

 

Sur quoi ont porté tes études et tes projets là-bas ?

Après une première année en tronc commun, où l’on apprend un peu de tout (peinture, histoire de l’art, couleur, photographie, estampe, sculpture en carton, argile, etc.), je me suis spécialisée en « design espace et objet », mais toujours avec une approche artistique. Nos projets ont souvent porté sur des questions d’identité afin que chacun puisse un peu trouver sa patte, son style, donc j’ai beaucoup travaillé sur ma vision de la Polynésie, revisité certains savoir-faire, exploité quelques motifs. On a aussi travaillé avec certaines associations*, afin de rester ancré dans les réalités et l’actualité.

 

En quoi ton passage au Centre des Métiers d’Art a-t-il été déterminant dans ton processus artistique ?

Mon passage au Centre m’a non seulement permis de découvrir de quoi j’étais capable, mais également de savoir où étaient mes limites et de les repousser. Autrement dit, que tout est possible !

 

Quelle présence donnes-tu à l’art polynésien dans ton travail ?

Ce que j’ai appris au Centre nourrit tous mes travaux, que ce soit dans le travail du bois que j’ai appris à aimer, ou encore les systèmes d’attaches, d’emboîtements… En revanche, je pense que l’art polynésien n’a pas de présence dans mon travail, car mon travail « est » de l’art polynésien. Toutes les personnes originaires de Polynésie produisant un travail – sculpture, graff, écriture ou dessin – avec leur propre sensibilité contribuent à développer l’art polynésien à leur manière.

 

Comment perçois-tu l’art contemporain polynésien ?

Je pense qu’il y a encore beaucoup à faire ! C’est pour cela que l’on devrait davantage aider les artistes polynésiens afin qu’ils aient plus de facilité pour s’exprimer puis pour s’exporter. Cela permettrait de promouvoir notre art mais aussi, pour les artistes, de s’enrichir culturellement parlant.

 

Est-ce qu’aujourd’hui tes diplômes t’ont ouvert les portes du monde professionnel ?

Oui, mais je vous en dirais plus dans un autre numéro !

 

Des projets à venir ?

Je continue mes études en master Arts Plastiques à Toulon pour devenir professeur. Je souhaite partager ma passion pour le dessin qui, selon moi, est la base de tout, l’origine de toute conception. La suite n’est qu’une question d’outil, d’échelle et d’expérience.

 

Un conseil pour les élèves du Centre des Métiers d’Art, un petit mot pour la fin ?

Il faut oser se faire plaisir ! Je vous dis bon courage, fa’aitoito, parce qu’il en faudra mais ça en vaut la peine. Enfin, je voudrais dire « merci à la vie » en hommage à mon père qui est parti la veille de mon retour à Tahiti, exactement à l’heure de décollage de mon vol de Paris.

 

* Association des clandestins morts noyés en méditerranée et association CAAA, alphabétisation, apprentissage du français et accompagnement à la scolarité.

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