N°78 – « On devrait adapter le uru aux usages modernes de consommation »

Martin Coeroli, responsable du bureau de l’information du SDR (Service du Développement Rural)

 

Le Service du Développement Rural organise pour la deuxième année consécutive le festival du Uru, du 13 au 15 mars à la Maison de la Culture. Un évènement qui permet aux visiteurs de mieux connaitre les multiples possibilités de ce fruit aussi abondant que vertueux, que Martin Coeroli nous présente dans toutes ses dimensions. 

Quels sont les grands rendez-vous du festival du uru cette année ?

Il y aura des exposants de notre centre de recherches agronomiques sur les vitroplants*, des présentations de produits transformés à base de uru, de l’artisanat, un stand de l’association des éditeurs de Polynésie qui proposera des livres de recettes. L’association des Antillais aura également son stand, et nous ferons la part belle à la cuisine avec un stand de chefs. Le Fare Suisse, lui, présentera sa farine de uru.

Pourquoi la production de farine de uru n’est-elle pas plus développée en Polynésie ?

Pour qu’il y ait une production industrielle, il faut de grandes plantations d’arbres à pain – des vergers industriels. Aujourd’hui les arbres à pain sont des arbres de jardin. Le problème de la collecte de fruits se pose. Il faut recenser les arbres disponibles, collecter les fruits en fonction de la saison, puis les transformer : épluchage, découpage, séchage…

Cela pourrait être une source intéressante d’emplois ?

Oui bien sûr ! Le ministère de l’Agriculture  vient de démarrer une opération avec des associations familiales. Nous avons choisi l’approche artisanale plutôt que l’approche industrielle. Les familles récoltent et font sécher leurs uru, et notre laboratoire situé à Papara les transforme en farine. 4 kg de fruits frais fournissent 1 kg de farine. Cette farine est revendue par les familles dans les magasins, pour la transformer en gâteaux, crème, etc. Le ministère organise aussi des formations à la transformation des produits en recettes (gâteaux, confitures…). Il y a également une approche au niveau des cantines scolaires. Là, ce n’est pas la farine qui est utilisée, mais les fruits coupés pour la cuisson. Nous allons également développer la transformation du fruit de l’arbre à pain à Raiatea où nous disposons d’une usine de transformation en flocons. L’avantage alimentaire du uru, c’est que c’est un produit sans gluten, recherché en diététique, à l’exportation, à l’étranger.

L’export est donc envisageable ?

Il y a une vraie demande, particulièrement dans les réseaux diététiques, mais nous nous retrouvons toujours confrontés au même problème, celui de l’organisation de la collecte.

Ne pourrait-on pas commencer à l’organiser ?

Pour le moment, c’est l’approche familiale qui est privilégiée.

Pourquoi ne pas envisager une vision à long terme ?

Parce que l’on bute sur l’organisation. Pour une plus grande production, il faudrait planter des vergers, cela nécessite de très grandes surfaces que nous n’avons pas ici sur Tahiti. Les domaines publics sont quasiment tous occupés. Ce serait envisageable aux Marquises et aux Îles-Sous-le-Vent. Notre département de recherche agronomique a démarré un projet de multiplication végétative et in vitro d’une variété samoane d’arbre à pain qui a de nombreux avantages. Elle donne dès la première année, produit plus en terme de quantité et est facile à collecter. Nous en avons déjà planté plus de 1000 plants.

Y a t-il une utilisation médicinale du uru ?

Oui, on utilise le bourgeon en médecine traditionnelle. Pour soigner les suites de couche, la stérilité féminine, les névralgies, l’asthme, les angines, les orgelets et les otalgies. L’écorce découpée sert à panser les plaies ; le latex est utilisé pour le traitement des fractures, contusions, douleurs articulaires. Associé au monoï, il est employé comme cosmétique et fixateur pour les cheveux.

Quelle est ta recette de uru préférée ?

Le uru au foie gras. On le cuit au feu de bois, on enlève l’écorce, on découpe la pulpe toute chaude, toute fumante, comme un canapé et on met une tranche de foie gras dessus. C’est bien meilleur qu’avec du pain !

Les restaurants gastronomiques de Tahiti ont-ils du uru à leur carte ?

Oui, pendant le festival, les restaurants proposent des frites de uru, du ragoût, de la purée de uru, le fruit peut remplacer tous les féculents. On peut également faire des quenelles, des crêpes à base de farine de uru. Je sais qu’il y a de la liqueur de uru, de la glace, des confitures…et même des cocktails !

Si tu disposais d’un budget pour développer une action en faveur du uru, que ferais-tu ?

Il y a deux approches. La première serait de développer l’autonomie des personnes et des foyers, inciter les gens à remplacer les produits industriels par du uru, sous différentes formes. La seconde serait de développer l’exportation, être dans une démarche de développement économique de la filière. A Tahiti, le uru vendu sous vide, prédécoupé, a boosté les ventes. On devrait adapter notre produit aux usages modernes de consommation. On peut imaginer un Mc Uru par exemple – un burger entre deux tranches de uru !

2ème festival du Uru : Pratique

–  Du 13 au 15 mars

–  A la Maison de la Culture

–  Entrée libre

+ d’infos : 42 81 44 – www.maisondelaculture.pf

* Vitroplant : plant obtenu en laboratoire aseptisé, selon des techniques de culture in vitro.

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