N° 74 – Echanger nos rêves comme nous échangeons nos mails

A Tahiti, on connaît Patrice Guirao pour sa trilogie de polars – « Crois-le ! », « Lyao-ly » et « Si tu nous regardes », dont l’action se déroule sous nos cieux. Ecrivain, cet auteur prolifique est aussi un grand parolier. Chansons, comédies musicales – il vient d’achever l’écriture du spectacle « Robin des bois », nous aurons la chance de le (re)découvrir à l’occasion du salon Lire en Polynésie, du 14 au 17 novembre, à la Maison de la Culture. 

 

Comment se portent Al Dorsey et Robin des bois* ?

Ils vont super bien ! J’ai juste un problème avec Al. Il ne chante pas aussi bien que Mat (ndlr : MPokora) ! Mais ils s’entendent bien tous les deux.

 

Peux-tu nous présenter ton actualité ?

En premier lieu le salon du livre de Tahiti, qui me ravit, et parallèlement à cela j’ai terminé il y a peu de temps les dernières mises au point du spectacle de Robin des Bois que nous avons co-écrit avec Lionel Florence  et qui se joue au Palais des Congrès à Paris depuis  fin septembre. C’est un projet qui m’a occupé presque à plein temps ces deux dernières années.

 

Quel rapport entretiens-tu avec la Polynésie ?

Celui qu’entretiendrait un enfant adopté avec ses parents adoptifs. Un lien d’amour et de reconnaissance.

 

Parolier et écrivain : des activités très différentes… Comment passes-tu de l’une à l’autre ?

Je navigue effectivement entre deux types de « supports » d’écriture: la chanson et le roman ou plus largement la narration, car l’écriture d’un livret pour un spectacle relève de ressorts de narration proches de ceux du roman. En réalité tout cela fait partie d’un même bouquet. Je ne passe donc pas vraiment d’une activité à l’autre. Je ne change que la destination de l’écrit, pas sa nature.

 

Comment conçois-tu ton rôle d’auteur ?

Je suppose que, cette fois, quand tu dis auteur tu veux parler du fait d’écrire sans différencier le romancier et le parolier ou le librettiste. Les auteurs d’une manière général ont un rôle de catalyseur. Le mot. L’idée. L’écrit permet de réveiller des vérités intérieures en somnolence, d’activer des sentiments, d’ébouriffer un imaginaire. L’auteur n’invente rien, il donne existence. Le phénomène est le même quel que soit le spectre dans lequel s’inscrit l’écrit. Par le philtre choisi, on laisse passer, à densité différente, le sentiment, le constat, le questionnement, la conscience, le rire, le reflet d’une humanité toujours différente et si semblable à elle même. L’auteur est le rebond des particules, le résultat d’une collision et le livre comme son témoin que l’on passerait de main en main. Mon rôle d’auteur c’est de rester en adéquation  avec ma perception du monde pour partager une part de ma vérité… Mais c’est pas sûr.

 

Quel regard portes-tu sur la littérature océanienne ?

Ebloui. La littérature océanienne est une sorte de continent sorti des océans par la force des hommes et qui avance. Une terre riche de paysages nouveaux, de visions nouvelles, de concepts et de vérités spécifiques. Une vague puissante avec laquelle il faudra désormais compter. Quand Hamid Mokaddem pose la question sous forme de boutade ou de provocation : « la littérature océanienne francophone est elle une littérature française », cela nous montre le chemin qui est à parcourir pour qu’il devienne un jour incongru de se poser une telle question. Mais cela implique aussi que la littérature océanienne porte en son sein tous les courants d’une littérature opposable.

 

Y a t-il une œuvre qui t’a particulièrement marquée ?

Il y en a plusieurs bien sûr. Nous ne sommes pas fait d’un seul sang. Pourtant, à cet instant,  parce que le thème  du salon du livre est le rêve cette année, je pense au « Petit Prince » de Saint-Exupéry. Il y a dans cette œuvre un parfum d’onde alpha. Le Petit Prince est Le rêve éveillé. La force de Saint-Exupéry c’est d’avoir, avec des mots et des dessins, créé une œuvre à part qui a cette capacité hypnotique de plonger le lecteur dans cette zone si fragile, cet espace hors du temps, ce moment d’apesanteur qui borde le rêve. C’est peut-être en ça qu’elle est universelle.

 

Qu’est-ce que le « rêve », thème de ce salon Lire en Polynésie, t’inspire?

Le rêve est multiple. En tant que mot, il appartient à cette famille de mots qui portent en eux une multitude de sens, de définitions, de perceptions, de réalités, d’états. Pour un auteur, le rêve est une sorte de vivier dans lequel grandissent les idées, les personnages, les émotions, l’inconcevable, mais pas seulement. Le rêve est un monde. Parfois un but. Toujours un plaisir.

 

Justement, quel est ton plus beau rêve ?

Que nous puissions un jour échanger nos rêves comme nous échangeons nos mails. « As-tu reçu mon dernier rêve? » . Que le rêve devienne un nouveau support, un nouveau vecteur de communication.

 

Un mot sur tes futurs projets ?

Un nouveau « Al Dorsey ». Une nouvelle comédie musicale. Un nouveau thriller. Et si j’en trouve le temps un premier roman jeunesse.

 

* Al Dorsey est le personnage principal de la trilogie de polars. « Robin des bois » est la comédie musicale qu’il a co-écrite et qui se joue actuellement dans toute la France.

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