La civilisation du tiki

A l’occasion des journées du Patrimoine, organisées au Musée de Tahiti les 14 et 15 septembre sur le thème de la protection du patrimoine1, nous avons recherché dans les réserves de l’établissement l’un des premiers trésors de sa collection…

Le tiki que nous vous présentons vient de Hiva Oa et date d’avant 1870, au temps où les croyances des Marquisiens étaient sculptées dans le bois ou la pierre.

Celui-ci a intégré dès 1922 ce qui était à l’époque le Musée de Pape’ete, et fait donc partie des premiers objets ayant constitué sa collection. Vous pouvez depuis lors l’admirer dans les salles d’exposition permanente du Musée.

Anne Lavondès, ethnologue, conservatrice puis directrice du Musée de Tahiti de 1976 à 1983, le décrit ainsi d’après les informations de l’archéologue Clayssen, ayant prospecté l’île en 19222 :

« Deux grands tiki en bois étaient érigés sur un paepae du meae ahu ahu3 qui se trouve à quelques kilomètres du grand meae Pekiaputona à Atuona. Ces deux tiki semblent être, pour l’un, l’exemplaire conservé au Bishop museum et pour l’autre, celui conservé dans notre Musée. Il est conforme ‘au style propre à l’île de Hiva-Oa’ : forme très massive, bras non détachés du corps, tête aussi large que haute, yeux écartés, ovales, marqués par un cercle en léger relief, ailes du nez indiquées par un relief très allongé horizontalement et de faible hauteur, bouche large traversant horizontalement toute la face, peu épaisse, sculptée faiblement en creux. »

 

Le peuplement des îles Marquises par les Polynésiens remonterait aux alentours de 800 après J.C. Il a été constaté dès la fin du XVIème siècle par les navigateurs s’aventurant dans le Pacifique à la recherche de la Terra Australis. Les Marquisiens développèrent une architecture monumentale cérémonielle et d’habitat d’une grande richesse, accompagnée d’un essor des arts et plus particulièrement de la statuaire lithique, les tiki, au style artistique très spécifique. « Tiki, personnage mythique, à la fois divinité et premier homme, serait à l’origine de l’humanité, indique Theano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti. Le tiki était utilisé pour représenter les ancêtres déifiés. Représentation anthropomorphe, il se caractérise par son aspect puissant, les membres ramenés sur le corps, les jambes massives légèrement fléchies, mais aussi par son visage très particulier avec de grands yeux, un nez épaté et une bouche large, poursuit la directrice. Le motif apparaissait aussi bien en version miniaturisée dans l’ornement d’objets anciens – tambours, éventails, étriers d’échasses, etc. – qu’à une échelle plus monumentale, comme pour les grands tiki placés dans l’enceinte du me’ae ».

Ce tiki en bois de 2m29 de haut conservé au Musée de Tahiti en est une formidable illustration, mais surtout un témoin d’une grande valeur, car l’héritage en bois de nos îles n’a guère survécu au temps, à la colonisation et à l’évangélisation.

 

Légendes photos :

Tirage photo représentant les salles du musée de Pape’ete

Le Musée de Pape’ete vu de l’extérieur alors qu’il était hébergé dans l’ancienne caserne de l’infanterie colonial, avenue Bruat.

 

1 Voir notre article de la rubrique Culture bouge : « Objectif patrimoine »

2 Clayssen a étudié l’archéologie des îles Marquises en au début du 20ème siècle, et publié un article : « L’archéologie des îles Marquises », BSEO n°6, 1922.

3 Paepae :  plateforme en pierre / Meae ahu ahu : site religieux

 

Source : « Les collections du Musée de Tahiti et des Îles », ouvrage collectif, édition MTI – TFM.

 

 

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