Rencontre avec Milton Laughlin, entraîneur de Faa’a Canoe Club, Enoch Laughlin, président de la Fédération des Sports Traditionnels, Charlie Faatoa, athlète, Teiki Kiipuhia, sculpteur, Iaera Tamarino (épouse Tefaafana), secrétaire de la fédération Vahine Vaero Rimatara.

Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui

Service de l’Artisanat Traditionnel – Pu Ohipa Rima’i

 

La force des traditions

 

Le Heiva ne se résume pas aux grands spectacles de danse, le public le sait bien. L’artisanat en profite pour déployer la palette de ses nombreux talents, tandis que les travaux d’antan revivent grâce aux sports traditionnels, inspirés de la vie quotidienne de notre pays. C’est aussi l’heure des compétitions du sport national n°1 : le va’a, qui allie comme nul autre grâce et puissance. 

Au pays des défis, chacun met sa force au service de la discipline dont il défend les couleurs.

 

26ème Heiva Rima’i : les valeurs du cocotier à l’honneur – Te faufa’a rau o te ha’ari

 

Pour les touristes, sa silhouette filiforme et exotique est synonyme de dépaysement, de vacances et de soleil. En Polynésie, c’est un élément essentiel du quotidien, d’une inestimable valeur, un « arbre aux cent usages » dont on a dompté et domestiqué chaque parcelle. Plus qu’un symbole, plus qu’un arbre, c’est une source de vie. Vous l’aurez reconnu : le cocotier, tumu ha’ari. C’est ce thème et les valeurs qu’il véhicule qui ont été retenus pour guider le travail des artisans participant au 26ème Heiva Rima’i.

 

Mille et un usages

 

On dit qu’un seul cocotier sur un atoll désert permet tout simplement de survivre. Les feuilles du cocotier peuvent servir à fabriquer un toit pour s’abriter, les écorces à faire du feu, les noix de coco fournissent de quoi boire et manger. Depuis la nuit des temps, les Polynésiens ont appris à faire bon usage de la moindre parcelle de cet arbre : séchée puis pressée, la chaire de la noix devient la précieuse huile de coprah, base essentielle du mono’i. En artisanat, la coque est une ressource artisanale appréciée et appréciable : découpée, poncée, vernie, peinte, assemblée, elle permet de réaliser objets, ustensiles et bijoux les plus variés. L’écorce qui pousse autour du tronc, le kere, est utilisée brute dans la confection des costumes de danse ; tandis qu’unes à unes, les fibres du kere tressées entre elles deviennent des attaches solides permettant de faire des cordages et autres attaches indispensables à la confection de pirogues traditionnelles. L’écorce peut être battue en tapa, pour des créations très élaborées. A partir de simples palmes mais à la faveur d’un savoir-faire ancestral, celui du tressage, de magnifiques décorations, assiettes éphémères, chapeaux, nattes ou paniers sont confectionnés. Sans oublier que le bois, résistant et facile à travailler, est particulièrement apprécié comme bois d’œuvre ainsi qu’en sculpture.

 

Parole d’expert : Teiki Kiipuhia

Installés à la presqu’île de Tahiti, Teiki Kiipuhia et sa femme sont des artisans bien connus des salons. Ils excellent dans plusieurs domaines, dont le travail de la noix de coco qu’ils ont décidé de valoriser à l’occasion de ce Heiva, thème du cocotier oblige, en proposant toute une gamme de récipients variés, colliers, boucles d’oreilles, bracelets, barrettes à cheveux, ceintures, accessoires pour les costumes de danse, sculptures, paniers coco gravés… Les finitions comme les formes sont parfaites pour ces créateurs qui ne comptent pas leur temps et donnent de la valeur à une ressource du quotidien. « Ce qu’il y a de bien avec l’écorce de noix de coco, c’est que c’est une matière facile à trouver, explique Teiki Kiipuhia. Elle n’est pas évidente à travailler, mais cela fait des objets très solides qui durent. » Pour que la noix de coco se transforme en un objet artisanal lisse et brillant, il est nécessaire de la bichonner : décortiquée, vidée, séchée, elle est ensuite poncée une première fois, avant d’être étudiée selon sa forme, sa courbure. Il faut bien connaître la noix de coco pour en tirer le meilleur parti ! Teiki et sa femme inventent tous les jours de nouvelles formes et marient la noix de coco avec d’autres matériaux locaux (graines, perles, etc.).

 

Heiva Rima’i : Pratique

– Salle Aorai Tini Hau (Pirae)

Du 26 juin au 28 juillet

Ouvert tous les jours de 8h à 18h

Exposition vente, concours, démonstrations, défilés, groupes de danse, etc.

Entrée libre

Renseignements au 54 54 00 ou au 71 16 90 (Terii Rupea)

 

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Heiva Va’a : zoom sur le fa’ati Moorea

 

Samedi 06 juillet, environ 60 pirogues V6 partiront à 8h00 de la place To’ata pour rejoindre l’île sœur de Moorea, en faire le tour puis revenir à To’ata. 84 km à accomplir à bras de rameurs : c’est sans conteste la course la plus difficile du Heiva Va’a, à laquelle seuls les seniors et vétérans participent. Malgré les changements d’équipage autorisés, le fa’ati Moorea requiert pour les sportifs une condition physique excellente, alliée à une stratégie efficace. Surtout que s’ils peuvent compter sur un surf favorable à l’aller, c’est avec le vent de face que les rameurs doivent affronter le retour. Les plus rapides mettront minimum 6 heures à réaliser cet exploit. Le record est détenu à ce jour par l’équipe de Shell Va’a, qui a remporté la course 2012 en 5 heures 58 minutes et 37 secondes. Au Faa’a Canoe Club, on se prépare aux courses du Heiva depuis le mois de janvier. Milton Laughlin, athlète émérite et entraîneur du club, témoigne : « le fa’ati Moorea se fait vraiment dans l’effort et l’intensité. Nos rameurs sont des amateurs, je les prépare à tous les aspects des courses. Endurance, cardio, musculation, vitesse, récupération… On s’entraîne cinq jours par semaine pendant six mois. » L’an dernier, le Faa’a Canoe Club s’était classé 21ème, l’objectif est de faire mieux cette année afin de « faire valoir au minimum notre entraînement », espère Milton Laughlin.

Nouveau cette année 

La course du Tour de Moorea ouvre pour la première fois une catégorie vétéran pour faire honneur aux « anciens » du va’a et leur offrir une course à leur mesure.

 

Heiva Va’a : Pratique

Du 28 juin au 14 juillet

COURSES EN LAGON : HEIVA MATEINAA*

– Vendredi 28 juin : V3 et V6, départ à 8h00 de la place Jacques à Chirac (Papeete)

– Samedi 29 juin : V1 et V16, départ à 8h00 de la place Jacques Chirac (Papeete)

 

COURSES EN HAUTE MER :

– Jeudi 04 juillet : pesée des va’a dès 8h00 place To’ata (Papeete)

– Vendredi 05 juillet : départs à 9h00 et 13h00 de la place Jacques Chirac (Papeete)

– Samedi 06 juillet : Tour de Moorea. Départ à 8h00 de la place To’ata (Papeete)

– Dimanche 14 juillet : Super Tauati – Memorial Edouard Maamaatua. Départs à 12h00, 13h00 et 14h00 de l’aéroport de Faa’a (arrivée place To’ata)

 

Toutes les courses sont en accès libre

Renseignements au 45 05 44 – www.ftvaa.pf

 

Heiva Tu’aro Ma’ohi : zoom sur le Grimper au cocotier

 

Cette discipline a intégré la compétition via la Fédération des Sports Traditionnels en 2009, à la fois parce qu’elle comptait autrefois parmi les pratiques traditionnelles, mais également pour son côté spectaculaire qui interpelle le public. Particulièrement populaire au Vanuatu et aux Philippines, le grimper au cocotier était en sommeil en Polynésie, car absent des championnats. « C’est une activité physique très difficile, admet Enoch Laughlin, le président de la Fédération des Sports Traditionnels. Sa pratique à un haut niveau nécessite un entraînement complémentaire important : haltérophilie, course… C’est une épreuve de vitesse lors de laquelle il s’agit d’atteindre un pareu installé au haut d’un cocotier, à environ 9 mètres de hauteur, en quelques secondes – 8 secondes pour les plus rapides ! En Polynésie, on ne chronomètre que la montée. Je sais que dans d’autres pays, l’épreuve quantifie la montée et la descente, mais comme c’est une discipline que nous redémarrons au sein des championnats, nous laissons encore le temps aux athlètes de se perfectionner. » Pour grimper en haut d’un cocotier, en plus de devoir être particulièrement agile et entraîné, il ne faut pas craindre le vertige. Sans oublier que le tronc est relativement glissant, c’est pourquoi les grimpeurs s’attachent les deux pieds avec une corde de purau, nouée en croix. Un véritable tour de force qui impressionne à chaque fois les spectateurs.

 

Charlie Faatoa, 2ème au Grimper au cocotier au Heiva 2012

Originaire de Rurutu, Charlie Faatoa, 34 ans, est un athlète particulièrement doué en Lever de pierre et Grimper au cocotier. Il a déjà remporté de nombreuses compétitions et explique humblement ses exploits par les années d’expérience qu’il a de ces pratiques. « Je monte aux cocotiers depuis que je suis enfant ; pas pour le côté sportif, mais tout simplement parce qu’il fallait aller chercher les cocos pour manger ! » Tout est dit ? Ce serait trop simple. Charlie est un sportif entraîné. En plus de l’habitude, une certaine dose de muscles et de force est bien entendu nécessaire ! « Le grimper au cocotier est une épreuve de rapidité, il faut aussi de la force dans les bras et dans les jambes pour pouvoir se hisser et réussir les sauts les plus hauts possible ». Charlie et les autres athlètes vous donnent rendez-vous au Musée de Tahiti samedi 13 et dimanche 14 juillet : épatement garanti !

 

Le règlement du Grimper au cocotier

L’épreuve consiste à atteindre le plus rapidement possible le sommet d’un cocotier. L’arbre est désigné en début de journée par les arbitres de la Fédération. Il mesure en général de cinq à neuf mètres de hauteur, l’escalade est réalisée sans sécurité. Les athlètes disposent de trois essais chacun. Le chronomètre est déclenché au moment où les pieds du concurrent quittent le sol et est stoppé lorsque le grimpeur touche un pareu installé au sommet du tronc. Les arbitres ne retiennent que le temps le plus rapide des trois essais. Si un concurrent redescend et touche le sol avant d’avoir touché le pareu, la tentative est comptabilisée comme un essai. Comme dans toutes les autres compétitions de sports traditionnels en Polynésie française, les sportifs doivent porter une tenue locale : pareu, couronnes et colliers végétaux, pieds nus… Ils ont l’autorisation d’utiliser pour l’escalade une liane végétale nouée entre leurs pieds, leur permettant de tenir debout sur le tronc.

 

Heiva Tu’aro Ma’ohi : Pratique

Vendredi 12 juillet à partir de 15h : inscription des athlètes et visite médicale (Musée de Tahiti et des îles)

Du 13 au 27 juillet

Jardins du Musée de Tahiti et des Îles : samedi 13 et dimanche 14 juillet (lancer de javelots, coprah, lever de pierre, grimper au cocotier)

Jardins de Paofai : mardi 16 juillet (courses de porteurs de fruits)

Pointe Vénus (Mahina) : samedi 27 juillet (régates de pirogues à voiles traditionnelles)

+ d’infos : 77 09 05

 

ENCADRE

La Fédération des Sports Traditionnels fête ses 10 ans !

Cette fédération a été créée en 2003 pour redynamiser l’image et la pratique de ces activités ancestrales. En créant le lien entre les différentes associations sportives et en mettant en place un véritable championnat, clôturé par les festivités du Heiva, la Fédération a depuis réussi son pari. Elle compte aujourd’hui plus de 600 licenciés qui  pratiquent lever de pierre, javelot, coprah, course de porteurs de fruits, grimper au cocotier et pirogue à voile. Des activités qui permettent de perpétuer gestes et traditions autour de valeurs sportives et de faire de cet héritage un vecteur de promotion de la culture polynésienne.

+ d’infos : Enoch Laughlin – Tel. 77 09 05

 

 

ENCADRE

Les artisans des Australes à la rencontre de ceux des Îles-sous-le-vent

Du 20 au 31 mai dernier, une délégation de vingt artisans de la fédération artisanale « Vahine Vaero » de Rimatara, présidée par Gabriel Iotua, s’est rendue à Raiatea. Une opération d’envergure dont l’objectif était de découvrir et de partager les savoir-faire mutuels. Un dynamisme qui a permis d’apporter une bouffée d’inspiration aux artisans, en plus de leur procurer une expérience pour le moins formatrice, car comme nous l’a confié Iaera Tamarino épouse Tefaafana, secrétaire de la fédération « Vahine Vaero », chacun a dû apporter sa contribution dans la réussite de ce projet. Elle témoigne : « Cela fait longtemps que les artisans de Rimatara avaient le souhait de réaliser un tel projet, afin de promouvoir nos spécificités artisanales et de découvrir celles d’un autre archipel polynésien. Nous souhaitions inciter les artisans à valoriser les produits de leur fenua, mais aussi leur prouver qu’ensemble, en travaillant avec passion et en se regroupant dans un esprit d’échange, nous étions capables d’assurer ce projet. Nous avons choisi Raiatea car c’est la ‘capitale’ des Îles-Sous-le-Vent. Pour financer ce voyage, nous avons commencé par effectuer de multiples actions sur Rimatara, au profit de notre fédération : vente de plats, tamure marathon, etc. Chaque artisan a également investi de manière personnelle. Ensuite, question logistique, nous avons pu compter sur de nombreux partenaires : la commune de Uturoa et sa mairesse Sylviane Terooatea, le comité du marché de Uturoa, la fédération artisanale Hawainui de Raitaea, mais aussi – et nous ignorions son existence – l’association fraichement créée « Tamarii Tuhaa Pae no Raiatea ». Voyage, fret bateau, logement, transport, emplacement, tout a pu être organisé dans de très bonnes conditions. On n’est loin d’une opération commerciale… C’est ça la culture ! Sur place, nous avons proposé des ateliers de tressage et reçu beaucoup de participants : artisans, population, scolaires de Raiatea et touristes. Nos produits de vannerie – paniers, chapeaux, couronnes, nattes, pochettes de Ipad ou porte-monnaie – ont beaucoup plu aux visiteurs. Il faut dire que la vannerie est notre spécialité et nos artisans ont une dextérité et une créativité sans commune mesure ! Quant aux artisans de Raiatea, ils sont particulièrement talentueux pour ce qui est des créations tissu et des parures en coquillages. Ils imaginent des bijoux très élaborés qui mettent en valeur leurs ressources. Ce fut un très bel échange que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Nous vous donnons rendez-vous au prochain salon des Australes. »

+ d’infos : Fédération artisanale Vahine Vaero Rimatara – Tel. 75 90 17

 

 

 

* HEIVA MATEINAA : les concurrents sont en partie les représentants des communes.

 

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