« Mes bijoux, c’est mon spectacle »- Janvier 2013

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10 questions à

 

Fauura Bouteau, créatrice

 

« Mes bijoux, c’est mon spectacle »

 

Tout le monde l’appelle Mama Fauura et tout le monde la connaît. Normal : elle est une figure incontournable de l’artisanat polynésien, qu’elle a contribué à rajeunir il y a plusieurs dizaine d’années. Avant-gardiste, audacieuse et généreuse, la créatrice qui a aujourd’hui 70 ans continue de porter haut les couleurs de la bijouterie d’art, en Polynésie et ailleurs. 

 

Comment se sont passés tes premiers pas dans l’artisanat ?

J’avais une trentaine d’années, nous revenions de France avec mon mari et mes 3 enfants après y avoir habité 12 ans. Il fallait ramener de l’argent à la maison, l’artisanat s’est imposé comme une nécessité. D’autant que j’avais rapidement remarqué qu’il avait besoin d’un coup de jeune !

 

Tu as appris sur le tas ?

Oui. Et personne ne m’a aidée ! J’ai même été très mal accueillie. Etant donné que je n’avais pas de moyens pour commencer, j’ai privilégié les matériaux peu coûteux comme les coquillages et le raphia, je me creusais la tête pour les mettre en valeur et faisais du porte à porte dans les bureaux. Mais à l’époque, beaucoup de femmes ne juraient que par l’or et les diamants… Heureusement, d’autres personnes généreuses m’ont beaucoup aidée et c’est ainsi, à force de travailler, d’écouter, d’observer, de corriger que j’ai contribué à sortir l’artisanat de sa situation parfois figée.

 

La reconnaissance n’a pas été simple…

Non. Mais les femmes ont « compris » qu’elles pouvaient se faire plaisir avec des matières locales à partir du moment où celles-ci étaient sublimées.

 

Rendre les matières et les femmes belles, c’est ça ton credo ?

Exactement. Et c’est tellement facile de rendre les femmes belles ! Une fleur dans les cheveux, un bijou, un compliment… le tout étant d’être bien dans sa peau. Une femme belle est heureuse et inversement.

 

Comment l’artisanat a-t-il évolué par rapport à tes débuts ?

Il a beaucoup progressé en matière de créativité. En revanche, on ne fait pas assez de formation : artisan et commerçant sont deux métiers bien différents, or, pour réussir dans ce secteur, il faut savoir allier les deux. Beaucoup d’artisans ont du talent mais pas la fibre commerciale et ne savent pas s’adapter aux besoins. D’après moi, la réussite internationale de notre artisanat repose aujourd’hui sur cet apprentissage.

 

Comment as-tu fais connaître tes créations à l’étranger ?

C’est simple, j’ai un commercial ! Jean-Louis Jarry se rend plusieurs fois par an en France pour proposer mes bijoux à différentes grandes foires – Marseille, Paris, Bordeaux, etc. – et organise également des ventes privées. Nous adaptons les collections au public que nous ciblons, tout en conservant l’âme polynésienne qui fait leur charme. Ayant vécu en France, je sais que les goûts des Françaises diffèrent de ceux des Polynésiennes, notamment parce qu’en hiver, on ne peut pas porter les mêmes bijoux sur un pull !  L’expérience nous a appris beaucoup, et le fait d’avoir osé et pris des risques nous a permis d’avancer.

 

Tu présides le salon de la Bijouterie d’Art, dont la 12ème édition aura lieu en février prochain. Cette vitrine est désormais très attendue, est ce le signe que l’artisanat d’art a conquis sa place ?

J’ai imaginé ce salon pour mettre en valeur l’excellence de nos savoir-faire artisanaux et de nos matières premières. Même « artisanale », la bijouterie peut être haut de gamme. Je voulais montrer au grand public que nos créations ne se limitent pas aux colliers de coquillages que l’on passe autour du cou pour se dire au revoir.

 

Si on te donnait des crédits pour développer une action culturelle, que ferais-tu ?

J’organiserais des formations destinées à nos artisans, pour notamment leur apprendre les règles de base du marketing. Avec un peu plus de professionnalisme, l’artisanat polynésien pourrait prendre davantage son envol et s’imposer à l’international.

 

Quelles sont ces règles de base du marketing, selon toi ?

Il faut comprendre les notions d’harmonie, de mode et de culture et les adapter. Pour vendre un bijou à une femme qui vit à Paris ou Los Angeles, il faut miser sur des formes et des couleurs qui peuvent se porter sur un pull par exemple. L’inspiration doit venir du vêtement, du climat… C’est le genre de « détails » qui peut faire toute la différence !

 

Quel est ton meilleur souvenir à ce jour ?

Mon parcours est jalonné d’une multitude de bons souvenirs ! Mes bijoux, c’est mon spectacle. Une de mes plus grandes fiertés est d’avoir collaboré avec le couturier Jean-Paul Gaultier lorsqu’il est venu à Tahiti en l’an 2000. Nous avons réalisé une jupe à partir de milliers de lamelles de nacre, qui a été présentée sur une robe de mariée. Cette création a fait le tour du monde !

 

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