« Il n’a pas été simple pour moi d’accepter cette fonction » -Juillet 2012

10 questions à

 

Mama Iopa / Myrna Tuporo ? c’est la présidente quand même !, présidente du Jury du Heiva

 

« Il n’a pas été simple pour moi d’accepter cette fonction »

 

Grande spécialiste des himene, professeure de chant au Conservatoire, ra’atira du pupu himene de sa paroisse, Myrna Tuporo – alias Mama Iopa – est la présidente du Jury de ce Heiva.

Comment as-tu découvert le chant ?

A la paroisse, avec mes parents. Je suis originaire de Rurutu, où mon arrière grand-père et mon grand-père étaient diacres. J’ai baigné dans l’univers du himene depuis toujours ! Lorsque nous sommes arrivés à Papeete en 1970, nous avons continué le chant à la paroisse protestante de Paofai. Le diacre qui nous enseignait les chants était formidable, il m’a transmis sa passion et tout son savoir. J’avais 11 ans et cela ne m’a plus jamais quitté !

Tu pensais en faire ton métier ?

A la base, ça n’était pas un métier mais pour autant je le faisais très sérieusement. Vers 14 ans, j’ai voulu m’initier au solfège, c’est ainsi que j’ai commencé à écrire les tarava sur partitions. A 16 ans, j’ai commencé à donner des cours aux adultes, toujours dans le cadre de la paroisse. Ca me faisait tout drôle mais tout le monde m’encourageait !

 

Et puis tu as eu ton propre groupe de himene pour le Heiva…

Au départ, j’ai dirigé le groupe de la paroisse appelé Tamarii Tauraatua. Nous avons participé au Heiva de 1989 à 1991. La première année, nous avons remporté le premier prix amateur (en tarava Tuhaa Pae) et la seconde année, le premier prix professionnel. Lorsque le diacre est décédé, le groupe s’est éteint. J’ai continué mes activités de chant avec la jeunesse, puis crée mon propre groupe quelques années plus tard. En 2003 sont nés les Tamarii Haumatea, nous avons gagné trois fois de suite le Heiva.

Pourquoi avoir arrêté ?

Parce qu’en 2005, on m’a proposé d’enseigner les himene au Conservatoire et parallèlement, d’être membre du jury du Heiva. Je ne peux donc pas être des deux côtés du miroir. Mais la fonction de jury me plaît beaucoup car je profite ainsi à volonté de la beauté de nos himene.

Cette année, tu seras la présidente du Jury des chants et danse. Comment conçois-tu ce rôle ?

Il n’a pas été simple pour moi d’accepter cette fonction, car je suis spécialiste des chants ; or, la danse représente la partie la plus importante du Heiva. Comme les autres membres du jury cette année sont nouveaux, on m’a demandé d’assumer cette responsabilité. Je serais là pour fédérer l’ensemble du jury, étudier et juger avec eux le plus objectivement possible toutes les prestations du concours. C’est un grand défi que je suis heureuse de relever.

Tu ne crains pas les attaques à ce sujet ?

Quel que soit le président du Jury du Heiva, il y a toujours des critiques. On ne peut pas satisfaire tout le monde. Je n’ai pas à craindre les attaques car je sais que je suis honnête et compétente. Même si ma spécialité reste le chant, j’ai suffisamment d’expérience pour juger la danse, la musique et les costumes. Je fais entièrement confiance aux autres membres du jury, je sais que nous ferons de notre mieux. Nous travaillons dur depuis le début du mois de juin pour clarifier tous les points du règlement, et étudions ensemble les thèmes des groupes pour bien les appréhender.

Quel est ton meilleur souvenir lié au Heiva ?

En 2007, lors de la remise des prix, nous avons avec tous les membres du jury exécuté les morceaux imposés de l’orchestre patrimoine et chanté trois himene – un ‘ute, un tarava et un ru’au – combiné en un. On s’était entraîné pendant nos moments de relâche pour faire cette surprise aux chefs de groupes et au public, ils n’en sont pas revenus ! C’était un merveilleux moment.

Comment envisages-tu l’avenir des himene et du ‘ori ?

Pour les himene, avec inquiétude… Même dans les églises, il commence à être délaissé au profit de chants et d’instruments plus modernes. C’est l’évolution, mais quel dommage de perdre cette richesse, cet héritage culturel qui fait de nous des êtres uniques. Je pense néanmoins qu’ils se perpétueront à travers le Heiva, il deviendra probablement le seul moment de l’année où l’on pourra entendre nos tarava ! Quant à l’avenir du ‘ori, je ne me fais aucun souci. La danse séduit toujours plus de jeunes, elle se porte bien.

Si on te donnait crédits pour développer une action culturelle, que ferais-tu ?

J’organiserais un grand rassemblement de himene des cinq archipels sur Papeete, pour montrer à tous la grande variété et toutes les nuances de ces chants. Cela permettrait d’entrer dans les souvenirs du plus grand nombre…

 

Un message pour la fin ?

C’est un appel à la jeunesse. Dans mon quartier, je vois des jeunes qui ne vont plus à l’école, ne travaillent pas… Je veux leur dire de se tourner vers leur culture – la danse, le tatouage, la sculpture, les sports – car ils s’y retrouveront.

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