« Avec du travail et de la passion, tout est possible ! » – Mars 2012

10 QUESTIONS À

 

Jacob Luamanuvae

 

« Avec du travail et de la passion, tout est possible ! »

 

Il a marqué les festivaliers pour sa gentillesse, sa disponibilité et son immense talent de spécialiste international des effets 3D : Jacob Luamanuvae, d’origine Samoane, était membre du jury de ce 9ème FIFO. Après avoir travaillé sur des films comme « Avatar », « Happy feet » ou « Les aventures de Tintin », Jacob souhaite désormais se servir de son savoir-faire pour parler de l’héritage polynésien… en 3 dimensions. 

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Peux-tu nous résumer ton parcours ?

Enfant, j’étais passionné de cinéma et de dessin. Je passais mon temps à regarder des films et à dessiner les personnages. Il faut dire que j’ai grandi à Invercargill, l’endroit le plus froid de Nouvelle-Zélande, ce qui me laissait beaucoup de temps pour ces activités-là ! Bref, plus tard, il était trop difficile pour mes parents d’admettre que le dessin puisse mener à un métier. Ils sont venus de Samoa s’installer en Nouvelle-Zélande pour nous offrir un avenir meilleur. J’ai passé mon Bac et commencé des études de psychologie sans réelle ambition. J’ai réussi à arrêter pour me lancer dans ce qui me plaisait en devenant graphiste-illustrateur au sein d’une agence de publicité. Celle-ci réalisait beaucoup de films utilisant la technologie 3D, à laquelle je ne connaissais rien mais qui m’a immédiatement interpellé.

 

Pourquoi ?

Je voyais le moyen de donner corps à mes dessins ! Pendant plusieurs années, j’ai travaillé toutes les nuits sur les manuels de logiciels 3D, que j’ai lu et appris de la première à la dernière ligne. Il m’aura fallu près de 7 ans pour arriver à faire ce que je voulais, c’est-à-dire à modéliser mes dessins en 3D.  Mais ensuite j’ai réalisé qu’il fallait les animer… C’était re-parti pour des nuits de travail.

 

Et ensuite, comment a débuté ta carrière dans les effets spéciaux 3D ?

J’ai attendu d’être suffisamment sûr de moi avant de pousser la porte de Weta Digital, une des meilleures compagnies au monde en termes de production d’effets spéciaux pour le cinéma. Peter Jackson (réalisateur du « Seigneur des anneaux ») en est à l’origine. J’ai commencé en bas de l’échelle, à la rotoscopie* ! Mais au moins je dessinais toute la journée. Au bout de quelques mois, on m’a proposé un nouveau poste au département « capture de mouvements » (motion capture), où j’ai travaillé sur l’animation du personnage de Gollum (« Seigneur des anneaux »). A partir de là, les projets n’ont plus cessé.

 

« Le Seigneur des anneaux », « Avatar », « Les aventures de Tintin », « Happy Feet », tu as travaillé sur les plus grands films d’animation 3D… Qu’est-ce qui te différencie des autres spécialistes?

Je travaille 90 heures par semaine avec passion et j’aime le challenge. Pour rester dans la compétition, il faut donner le meilleur de soi, être perfectionniste et un peu… fou. Les logiciels que nous utilisons à Weta Digital sont uniques au monde puisque c’est nous qui les avons développés, j’ai donc une sorte d’exclusivité des connaissances liées à ces outils de travail.

 

Tu travailles aussi sur des projets plus personnels, peux-tu nous en dire plus ?

C’est vrai que j’ai également envie d’utiliser mon expérience pour raconter mes propres histoires, car même si les projets sur lesquels je travaille sont extraordinaires, ce sont les visions des autres. Maintenant que je suis à l’aise avec moi-même, je pense être en mesure d’apporter quelque chose à la culture polynésienne en la mettant en avant à travers la 3D. Je travaille depuis 6 ans sur « Tikitiki », un film de science-fiction qui réinterprète les mythes et légendes du Pacifique*.

 

Tu a grandi en Nouvelle-Zélande, as-tu reçu une éducation samoane ?

Non, pas vraiment. Mes parents ont même toujours refusé de nous parler samoan à la maison, pensant que ce serait un frein à notre intégration. Pourtant, bizarrement, quand je parle de Samoa, je dis « chez moi ». Ça doit être ancré inconsciemment.

 

Tu étais à Tahiti en tant que membre du jury pour le FIFO, tes impressions sur le festival ?

Une expérience incroyable, qui va probablement beaucoup m’inspirer ! Moi, je ne fais que des films de divertissement, le FIFO m’a permis de découvrir de « vraies histoires dans la vraie vie ». C’était fantastique, cela m’a ouvert les yeux sur des problématiques que j’ignorais. Je suis fier du continent Océanien, fier de la production locale.

 

Quels sont tes futurs projets ?

En ce moment, je travaille sur « Avengers », un film qui réunit des superhéros (Thor, Hulk, Capitain America, Ironman). Après, il y aura « The Hobbit », en deux parties, qui retrace le début du « Seigneur des anneaux ».

 

Comment envisages-tu l’avenir du cinéma 3D ?

« The Hobbit », qui sortira en décembre 2012, sera le premier film au monde à avoir été tourné en 48 images par seconde (contre 24 d’habitude). Ce procédé permet à l’image de gagner considérablement en clarté et douceur et représente une révolution technologique ! La prochaine grosse évolution attendue d’ici peu : la télé et le cinéma 3D sans lunette.

 

Un dernier message ?

Je voudrais que mon parcours puisse motiver la jeunesse polynésienne. En Polynésie, l’individualité est toujours quelque peu écrasée au profit du groupe. Les talents aussi, donc. Il faut aller jusqu’au bout de ses rêves, car avec du travail et de la passion, tout est possible !

 

* La rotoscopie  est une technique cinématographique qui consiste à relever image par image les contours d’une figure filmée en prise de vue réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un film d’animation.

* Voir extrait sur www.lava2.com

 

 

 

 

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