« Même avec une part de don, il faut travailler sans cesse »

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Cela fait 20 ans qu’il a quitté la Polynésie pour la France. Steeve Mai est devenu baryton international, il chante dans de grands Opéras, donne des récitals dans le monde entier, des masters classe, enseigne le chant lyrique… Et dans cet emploi du temps chargé, il laisse toujours une place pour Tahiti où il revient régulièrement se produire devant le public polynésien. Lors de son passage en avril dernier, nous avons réussi à lui voler quelques instants entre deux programmes.

Parle-nous de ta découverte du chant lyrique ?

Tout petit, j’ai entendu Pavarotti et je me suis dit que je voulais chanter comme lui ! J’ai toujours été sensible aux extraits d’opéra, cela m’a conduit à chanter dans une chorale religieuse à 12 ans, que j’ai même dirigée à l’âge de 15 ans. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de suivre les cours de chant lyrique du Conservatoire de Polynésie avec Marie-Anne Audy. C’est sur son conseil qu’en 1990, alors appelé par le service militaire, j’ai passé et obtenu le concours des chœurs de l’armée française, pouvant ainsi poursuivre ma passion.

Quel souvenir gardes-tu de ton cursus au Conservatoire de Polynésie ?

L’encouragement inconditionnel de ma professeure ainsi que de tous les parents d’élèves de l’époque, sensibles à mon désir de persévérer dans le chant lyrique. Ils m’ont aidé à franchir le cap pour partir en France !

Depuis, tu as fait beaucoup de chemin et notamment réussi à rentrer au prestigieux Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris…

C’était mon objectif, un vrai soulagement de réussir ce concours auquel je suis arrivé 3ème . Je savais que pour réussir dans l’univers du chant, je devais passer par cette case ! Le Conservatoire National de Paris forme les solistes au plus haut niveau, c’est une préparation difficile mais indispensable.

Peux-tu nous rappeler les grandes dates de ta carrière ?

Parallèlement aux chœurs de l’armée française, je suis rentré au Conservatoire de Région de Rueil-Malmaison et obtenu ma médaille d’or en 1994, puis le prix de chant du Conservatoire National Supérieur de Paris en 1999. Depuis, j’enchaîne les rôles dans les chœurs de l’Opéra de Paris (Alcina de Haendel, Fidelio de Beethoven, Le Roi David de Honegger, etc.) et les récitals en tant que soliste.

L’intégration en métropole et qui plus est dans un univers aussi particulier a-t-elle été facile ?

Non, évidemment. Je ne me suis pas laissé impressionner et j’ai rencontré des personnes qui m’ont permis d’évoluer personnellement et artistiquement. Pour autant, j’ai fait en sorte de ne pas être « aspiré », je suis resté polynésien. Après toutes ces années en France, j’ai juste perdu mon accent !

Aujourd’hui, tu enseignes le chant dans différents Conservatoires en région parisienne, est-ce un aboutissement ?

L’enseignement me plait, la rencontre des générations, la transmission, le partage, je m’épanouis dans cette fonction. Mais ce n’est pas « mon » aboutissement. J’aspire à plus grand encore, je veux être un chanteur lyrique connu et reconnu dans le monde ! Je sens que je suis fait pour porter ma voix auprès du plus grand nombre et j’y travaille ardemment.

Le meilleur moment de ta carrière de soliste?

Un récital de Schubert que j’ai donné à Istanbul (Turquie) devant près d’un millier de personnes. L’accueil avait été fantastique. Chanter dans la salle Gaveau à Paris fut aussi une belle expérience, le lieu est tellement mythique !

Tu es venu donner des concerts avec Bruno Beaufils de Guérigny, pianiste de renommée internationale. Quelle est la relation entre chanteur et musicien ?

C’est comme dans un couple, la relation fonctionne avec de la confiance. On doit pouvoir s’en remettre l’un à l’autre. Avec Bruno, le dialogue musical est parfait, nous avons la même énergie, la même respiration. Il est très rare de trouver la bonne complémentarité entre chanteur et musicien, alors que c’est véritablement sur elle que repose la magie de nos arts.

Quel conseil donnerais-tu aux chanteurs polynésiens qui souhaitent percer ?

La réussite nécessite de la discipline et de la rigueur. Même avec une part de don, il faut travailler tout le temps, il ne s’agit pas de se reposer sur d’apparentes facilités. Un artiste est comme un sportif, il ne doit jamais cesser de s’entraîner. C’est ce qui fera la différence.

Tu reviens régulièrement en Polynésie donner des concerts, une nécessité de renouer ?

Je suis toujours ravi de revenir à Tahiti, de retrouver les saveurs et la chaleur humaine. Même à 20 000 km, mon cœur restera pour toujours ici. Mais j’avoue que désormais, j’ai besoin de l’émulation urbaine des villes, celle qui te tire vers le haut.

 

Encadré

Le concert lyrique que Steeve Mai et Bruno Beaufils ont donné le 25 avril dernier à la cathédrale Notre-Dame de Papeete sera retransmis sur TNTV le 15 août 2011.

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