« J’admire le travail des groupes de danse »

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Vous connaissez peut-être son nom pour l’avoir vu en signature sur les superbes photos de ‘ori tahiti que nous publions depuis le début dans Hiro’a. Fabien Chin est passionné par la photographie de danse traditionnelle, un art dans lequel il excelle grâce à une sensibilité humaine et artistique hors norme.

Comment sont venues ces deux passions : la photo et la danse ?

Cela commence par la photo. Au lycée, je faisais partie du club photo par curiosité. Cela me plaisait mais je n’ai pas continué, le matériel argentique de l’époque étant trop coûteux. Lorsque les appareils photos numériques ont fait leur apparition, j’ai commencé à m’y intéresser de plus près : plus besoin d’une chambre noire pour développer les images ! En 2007, je me suis acheté mon premier vrai appareil – un réflexe numérique Nikon D40X. Je cherchais des évènements à photographier pour « m’entraîner » sur mon nouveau matériel : il y avait alors de nombreux galas de danse traditionnelle et j’ai vite pris goût à ces soirées. J’ai découvert les possibilités infinies de prises de vue offertes par la danse : le cadre, l’éclairage, l’expression des personnes… Je me suis aussi très vite aperçu que le sujet était peu exploité, ou alors de manière superficielle et commerciale. Et je trouvais aberrant que les danseurs doivent payer pour obtenir les clichés sur lesquels ils étaient ; sans eux, la danse n’existerait pas ! J’ai donc mis en place un site Internet fin 2007 grâce auquel ils peuvent, depuis, regarder toutes les photos de leurs spectacles.

Tu n’as jamais eu l’intention d’en faire un métier ou une activité lucrative?

Non, surtout pas ! C’est totalement contraire à ma démarche. Gagner ma vie de la sorte réduirait considérablement mon champ d’action. Ainsi, photographier la danse reste une passion dans laquelle je peux m’exprimer librement et proposer le travail artistique qui m’intéresse.

Qu’est-ce qu’une « belle » photo de danse, ou une photo « réussie » selon toi ?

C’est une photo qui retient l’attention tout d’abord. Elle doit refléter et dégager les émotions que j’ai voulu capturer. J’aime une photo lorsqu’elle traduit un mouvement – l’essence même de la danse ! -, immortalise une expression, une sensation… Le plus difficile n’est pas de faire une photo esthétique, mais une photo authentique. Quand le danseur regarde la photo, il doit ressentir les sensations qu’il a vécues au moment précis.

Une telle implication ne t’a jamais donné envie de danser à ton tour ?

Non… Chacun fait ce qu’il sait faire et c’est très bien ainsi. Je préfère rester en arrière-plan ! En revanche, pour les groupes que je suis – de l’idée du spectacle à sa conception – j’ai le sentiment de vivre la danse. C’est une aventure commune entre chefs de groupe, chorégraphes, danseurs, musiciens, costumiers… et photographe, à condition d’être en immersion dans le groupe ! Et pour l’être, c’est beaucoup d’engagement et de temps derrière. Observer les comportements, apprendre à connaître les personnes du groupe, afin de réussir à se faire oublier. Les danseurs ne doivent plus être gênés par ma présence et celle de l’objectif : cela représente un travail de longue haleine, mais c’est la seule façon pour pouvoir réaliser des images spontanées et authentiques. Les mises en scène ne m’intéressent pas.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la danse traditionnelle ?

L’amour des groupes pour leur art. J’admire leur travail. Beaucoup d’entre eux vivent au rythme des ote’a et des to’ere depuis leur âge le plus tendre et vouent aujourd’hui une passion sans borne à la danse traditionnelle. Lorsqu’on voit un spectacle, on n’imagine pas le temps et l’énergie déployés par ces artistes pour qu’il soit une réussite ! Je me considère privilégié de pouvoir partager avec eux cette passion, ainsi qu’avec le public.

Depuis tout ce temps, tu gardes le même plaisir à assister aux répétitions, aux spectacles ?

Oui, car je ne sais jamais à quoi m’attendre. Déjà parce que chaque groupe à son style, ses méthodes de travail et son ambiance… Ils sont toujours dans la recherche, je n’ai jamais l’impression de vivre deux fois la même expérience : j’accompagne leur évolution. D’autre part, en terme d’image, on trouve toujours quelque chose de nouveau à explorer techniquement et humainement, car la danse est un sujet très riche. Mais c’est vrai qu’avec les années, je deviens de plus en plus exigeant, surtout envers moi-même !

Au cours de ces années, quel est le moment qui t’a le plus marqué, ému ?

Il y en a tellement ! Tous les nombreux moments que j’ai pu partager avec les chefs de groupe de la place, à les écouter parler avec ferveur de leur amour pour le ‘ori tahiti : des moments rares et précieux. La victoire de Hei Tahiti en 2009 a été très intense, car j’avais suivi le groupe partout, du début à la fin. 2009 d’une manière générale a été une année mémorable, avec le retour de tous les grands groupes au Heiva (Temaeva, O Tahiti E, Tamariki Poerani, Kei Tawhiti, Heikura Nui, Ahutoru Nui). Je me souviens que les répétitions de Hei Tahiti avaient commencé fin janvier, un mois après la victoire au Hura Tapairu. J’ai passé des soirées entières pendant plusieurs mois à observer la progression des danseurs, perfectionnant jour après jour leurs gestes. La famille de Tiare Trompette était venue de spécialement de Raivavae pour participer à la confection des costumes. Il existait une vraie communion entre tous les éléments de la troupe (danseurs, musiciens, choristes, costumières, etc.), mais aussi avec le thème.

Et le moment qui t’a le plus contrarié ?

Malgré le soutien de la majorité des groupes de danse dans ma passion ainsi que des ministères, cela a toujours été un chemin de croix pour obtenir l’autorisation de prendre des photos pendant le Heiva ! Comme je ne vends pas mes photos mais que je demande à être placé devant la scène, au même titre que les photographes professionnels, la confusion est totale !

Justement, que représente le Heiva pour toi ?

La consécration du groupe. Chacun des membres vit sa soirée du Heiva avec bonheur, car c’est le résultat et la fin de centaine d’heures de répétitions acharnées à répéter les mêmes gestes, à les travailler jusqu’à la perfection… ils peuvent enfin se lâcher et se faire plaisir tant ils maîtrisent leur spectacle ! Le Heiva est aussi un moment de partage et de compétition.

Un message à faire passer aux danseurs ?

Un grand merci à eux pour m’avoir accepté dans leur monde. Je leur rends hommage pour leur talent et leur dévouement. Il faut qu’ils continuent à nous faire rêver à travers leur art… Et surtout lâchez-vous sur scène, vivez votre danse !

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