Opuhara, le dernier ari’i de Tahiti

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En 1815, le dernier chef de la tradition ancestrale polynésienne s’éteint. Sa mort marque le début d’une nouvelle ère où les bouleversements vont se succéder. Opuhara, grand chef du clan des Teva et ardent défenseur de sa culture est tué par balle lors de la bataille de Fei Pi…

Lorsqu’en 1769, le navigateur Français Louis-Antoine de Bougainville arrive à Tahiti, il raconte être émerveillé par la douceur de vivre qui émane de Tahiti. Le mythe du bon sauvage est né. Si le tableau que dresse l’Européen est idyllique, il est cependant loin des réalités du quotidien polynésien où les guerres claniques sont légion, où la société est fortement hiérarchisée tant sur le plan politique, social que religieux.

A cette époque, les îles de Tahiti et de Moorea sont composées de six coalitions, dirigée par un ari’i qui exerce un contrôle économique et socio-politique sur la population qui vit sur son territoire :

Les Teva, avec Teva i uta et Teva i tai,

Te Oropaa, composé de Mano rua et Manotahi (anciens noms de Paea et Punaauia)

Tefana i Ahura’i avec Faa’a

Te Porionuu : Pare, Papaoa et Haapape (Papeete, Pirae, Arue et Mahina)

Eimeo (Moorea), qui comprend six chefferies.

Opuhara et la chefferie des Teva

Selon Marau Taaroa, la dernière reine de Tahiti qui a écrit et publié ses mémoires, Opuhara serait né en 1776. Il est le fils cadet de Manea et Tetau, et le frère de Tati et Pomateao. Selon les traditions polynésiennes, le dernier fils est appelé à devenir tahua, c’est-à-dire prêtre. A l’instar de son père qui était grand prêtre des marae de Tooarai, Manunu et Mataoa à Papara, Opuhara endosse la fonction sacerdotale. Voici ce que Marau Taaroa nous dit à son sujet : « Il fut initié dans la tradition de sa race, dans la connaissance de sa religion et de ses lois. Nourri de littérature tahitienne et de ses croyances… c’était un ari’i supérieur. Il devint très vite un guerrier expert et excellait dans les tours de force, dont il sortait toujours victorieux. »

Si Opuhara est un grand guerrier doté de fonction sacerdotale, il n’est pas pour autant grand chef. C’est son frère aîné, Tati, qui assume cette fonction politique. Tati est proche des Pomare qui accueillent les missionnaires anglais et diffusent un nouvel enseignement religieux régi par des lois écrites. Opuhara estime pour sa part que ces enseignements sont dangereux car remettant en cause tout le caractère sacré des traditions. Il prend de l’ascendant sur les chefferies des Teva qui à partir de 1808 le considèrent comme ari’i rahi, grand roi. Opuhara renie son frère Tati, ce qui signe le début d’un conflit ouvert entre deux choix de civilisations.

La bataille de Fei Pi

En 1808, la guerre fait rage à Tahiti. Si les cinq années écoulées ont plus ou moins été calmes, les lourds tributs exigés par Pomare auprès de ses voisins deviennent intolérables. Devant la montée en puissance du clan des Pomare, Opuhara va s’opposer en ari’i des traditions.

En 1812, Pomare II, exilé à Moorea, émet le désir de se convertir au christianisme et de rejeter toutes les pratiques anciennes. Les tensions sont vives. Le 11 novembre 1815, le signal est donné. Pomare et son armée, composée « d’étrangers » – des natifs des Tuamotu et des Iles Sous-Le-Vent – prennent position à la limite de Paea et de Papara. Opuhara prend conseil auprès des grands prêtres. Plus fort numériquement, il divise son armée en trois, deux sections terrestres et une navale. Pomare n’est pas en reste, il fait former deux colonnes, navale et terrestre.

Le 12 novembre 1815, les deux troupes sont confrontées à la pointe Narii (ou Piihoro) de Paea. Les pirogues de guerre de Opuhara débarquent devant le marae Narii, le premier de Tahiti à être consacré au dieu Oro. Des alliés des Pomare sont en embuscade derrière le marae. Opuhara plein d’ardeur incite ses troupes au combat : « Teva, enfants du sud, de Ahurei (ancien nom de Papara), enfants de la pluie, ne craignez pas les armes à feu. Il ne faut qu’un peu de courage pour combattre les traîtres et les lâches. En avant Teva, ne craignez pas les porcs qui se cachent. »

Mais il est rapidement abattu et la déroute est totale pour l’armée des Teva…

Les combats cessent, le corps du ari’i est transporté sur le tahua sacré de Apateae, à Papara ; la victoire de Pomare II est acquise. Il ordonne de ne pas se livrer au pillage et de ne pas massacrer les femmes et les enfants.

La chute de Opuhara marque de manière symbolique le déclin de la société séculaire. Le marae Narii consacré à Oro est le lieu où Opuhara est tombé. Au lendemain de Fei Pi, Pomare II ordonne la destruction de tous les marae et des ti’i, et commence à faire ériger des églises à leur place. Le grand chef des Teva n’est plus, Pomare II peut dès lors devenir ari’i rahi de Tahiti. Du marae Narii ne subsiste aujourd’hui qu’une pierre incrustée dans un mur, à proximité d’un commerce.

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