Aux sources du ‘aparima vava

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Coco Hotahota, un des grands maîtres du ‘ori Tahiti, revient pour nous sur les origines d’une danse que vous connaissez tous : le ‘aparima vava, lors duquel les bras et les mains esquissent des figures correspondant à la musique. Une danse « mimée » qui a évolué, s’est modernisée, embellie peut-être aussi, afin de s’adapter aux contraintes esthétiques de la danse moderne.

Le ‘aparima vava, tel qu’il est exécuté par les groupes de danse aujourd’hui, est décrit ainsi :  « sur un accompagnement d’instruments à corde ou de percussions, sans paroles psalmodiées ou chantées, la gestuelle mime de manière symbolique des activités de la vie quotidienne, danse exécutée en position assise »1.

D’apèrs toi Coco, on a oublié ce qu’était le ‘aparima vava ?

C’est ce que j’ai découvert en rencontrant les anciens de Vairao, il y a une dizaine d’années de cela. Ce district de la presqu’île était réputé dans toute l’île, à l’époque des Tiurai, pour ses ‘aparima vava. Cette danse était en quelque sorte la spécialité de Vairao. J’avais donc pris rendez-vous avec Otaha Teuira, un des anciens du district qui dansait place Tarahoi dans les années 50, afin qu’il m’explique son ‘aparima vava. Lors de notre première rencontre, il ne m’a pas dit un mot à ce sujet. Il m’a parlé des vents, des poissons…  C’était une mise à l’épreuve. Pas découragé – bien au contraire – je suis retourné le voir. Là, il m’a dit : ‘je vais te raconter notre ‘aparima vava mais tu dois me promettre de ne jamais changer un iota de ce que je te dis.’ J’ai tenu promesse et réhabilité sa parole lors de notre participation au Heiva de l’an 2000. Selon lui, le ‘aparima vava n’était dansé que par les hommes et exécuté à genoux. Seules les percussions (to’ere, fa’atete, tariparau, etc.) pouvaient l’accompagner. On est donc loin des ‘aparima vava d’aujourd’hui, réalisés par femmes et hommes, à genoux, sur des instruments à cordes ! Ce qui est toujours vrai, c’est que les gestes miment et racontent des activités du quotidien : une partie de pêche, la cueillette des fruits, la confection du monoi, etc. La musique est composée d’après ces histoires : l’orchestre est le récitant et les danseurs, les exécutants.

Pourquoi les anciens sont-ils souvent si réticents à transmettre leurs connaissances ?

Je crois qu’ils ont peur. Peur qu’on transforme et déforme leur savoir. Ils ne veulent pas que les choses changent. C’est une question d’honnêteté intellectuelle.

C’est incompatible avec l’évolution donc ?

Non. Il y a de place pour l’authenticité, la vérité, et de la place pour la création. Une culture évolue et s’accompagne avec son temps mais doit avoir de véritables et solides racines. Si l’on fait ce qu’on veut des traditions, la culture finit par devenir l’ombre d’elle-même.

Comment expliques-tu que le ‘aparima vava ait autant changé ?

Parce qu’on n’a pas pris la peine d’expliquer son pourquoi du comment à la jeune génération d’abord. A l’origine, le ‘aparima vava était rapide, viril, plus proche de la gymnastique que de la danse ! On l’a adouci et embelli pour le rendre plus esthétique sur scène.

ENCADRE

Aparima vava… ça veut dire quoi ?

Vava : qui ne parle pas, muet

Apa : coller, rapiécer, ourler…

Rima : main

Au sens propre : « coller la main sans parler »,  autrement dit, la main qui reproduit des paroles muettes2… Comme toujours en reo maohi, le sens des mots et leur association sont d’une grande poésie, ils décrivent avec beauté les subtilités des mouvements et attitudes.

‘APARIMA3

n.c.  1°) Sorte de danse où les bras et les mains esquissent des figures correspondant au chant ou à la musique.

2°) (Davies) – Professeur de danse, maître de ballet.

3°) Mime.

* Extrait du règlement du concours de danse du Heiva 2010.

* D’après Coco Hotahota.

* Dictionnaire de tahitien de l’académie – http://www.farevanaa.pf/dictionnaire

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