Prendre la culture au sérieux

Nous n’allons pas revenir sur les définitions ni sur l’importance du patrimoine culturel matériel, immatériel, de la nécessité de la transmission de langues, ni même sur le besoin de création propre à la vitalité de toute culture. Mais sur l’urgence à considérer ces aspects vitaux pour notre avenir personnel et commun. Car s’il existe bien un secteur qui est loin d’avoir les moyens de s’épanouir et qui est pourtant riche de promesses, en terme économique et social, c’est bien la culture ! La conclusion des Etats-Généraux de la Culture insiste à raison sur ces points. Explications.

[singlepic id=162 w=200 h=160 float=left]En Polynésie française, il y a une conscience aigue de l’importance du fait culturel, partagée à la fois par les personnalités politiques et la population. Cependant, la réalité est tout autre. Pourquoi cette distorsion ? Bien souvent, la perception du fait culturel est réduite au folklore dans sa dimension péjorative, à la notion de divertissement, d’amusement et de plaisir à produire de la culture. Il ne peut y avoir par conséquent  de valeur marchande ou de rémunération, sinon symbolique, accordée à cette activité puisque les acteurs s’amusent tout en divertissant le public ! L’atelier des Etats-Généraux « Promotion de la culture polynésienne et développement culturel et artistique », constitué d’une dizaine de personnalités oeuvrant dans le monde de la culture en Polynésie, a constaté l’absence de politique culturelle, les décisions arbitraires, prises sans perspectives, ni priorités définies ou hiérarchisation des besoins.

Un Etat des lieux de plus ?

[singlepic id=154 w=320 h=240 float=left]Plusieurs états des lieux de la culture en Polynésie ont eu lieu, certains rapports ayant même été amendés par l’Assemblée Nationale. Parmi eux, divers rapports du CESC dont certains datent des années 80, le rapport de travail du Ministère de la Culture en 2005 et les conclusions du séminaire Culture live en 2005…

Les spécialistes de la culture ayant participé à ces travaux sont unanimes : le patrimoine culturel polynésien est en danger et il est urgent d’agir. Mais ces rapports n’ont pas eu de suite. Pourquoi sont-ils restés lettres mortes ? Le séminaire de 2005 a esquissé une politique culturelle déclinant plusieurs programmes d’actions, restée à l’état de profession de foi et non appliquée. Instabilité politique depuis 2004, inexistence d’une politique culturelle cohérente déclinée sur plusieurs années ; aucune synergie entre les différents acteurs institutionnels concernés ; non professionnalisation de la sphère culturelle, sont autant de facteurs qui peuvent expliquer ces lacunes.

L’enjeu des Etats Généraux 2009 sur la Culture

Pourvu qu’il ne subisse pas le même sort que les précédents états des lieux ! Le comité de suivi mis en place suffira-t-il à faire bouger les choses ? Les précédents états des lieux sont toujours d’actualité. La valeur ajoutée de l’atelier Culture est l’actualisation des données, l’approfondissement de l’analyse de points restés évasifs dans les anciens rapports, et la prise en compte de deux enjeux déterminants : la Culture est un facteur de cohésion sociale et un moteur de développement économique. Ce sont ces deux aspects inédits de la culture en Polynésie que nous vous proposons d’exposer dans notre dossier du mois.

La Culture : facteur de cohésion sociale et amortisseur de la fracture sociale

[singlepic id=159 w=200 h=160 float=left]La Polynésie, rentrée de plain-pied dans le modernisme et le mode de consommation occidentale depuis le CEP dans les années 1960, a perdu contact avec ses racines. Intimement liée aux enjeux identitaires et à l’intégration de l’individu dans la société, la culture permet pourtant d’assurer une meilleure cohésion sociale, un meilleur « vivre ensemble ».

L’expérience culturelle est créatrice de liens sociaux et de valeurs. Elle peut amortir les conséquences de la fracture sociale et identitaire en maintenant ou créant un lien social entre toutes les factions de la société. Le bien-être individuel nécessite de se sentir appartenir à un groupe solidaire, à une communauté qui se réclame du même passé, de la même culture, de la même langue. Dès lors que l’on ne s’intègre pas aux codes, aux critères d’appréciation dans le domaine scolaire, du travail ou de la réussite sociale, on peut facilement se sentir exclu et dévalorisé. D’où l’importance de la réhabilitation de la culture polynésienne, qui aiderait à cette reconquête de l’estime de soi, pour que la cohésion sociale perdure. L’insertion ou la réinsertion passent au travers de pratiques culturelles, qui sont des moyens d’échanges, de rencontres, de partage, de découverte et de sociabilité. La culture est un formidable accès au savoir et à la connaissance, fondements de notre construction personnelle ! Le plus gros reste donc à faire, aujourd’hui, en donnant les moyens au secteur culturel de tenir son rôle.

La Culture : moteur de développement économique

[singlepic id=158 w=200 h=160 float=left]En Polynésie, la culture n’est pas considérée comme l’un des moteurs essentiels du développement économique, pouvant générer des retombées économiques importantes et des créations d’emplois directs et indirects. Or, il n’est pas du tout incompatible d’allier des techniques modernes à un contenu culturel (journalisme, audiovisuel, etc.). Elle n’est pas non plus perçue comme une piste sérieuse pour assurer un développement économique « à la polynésienne », respectant les valeurs et comme composante du développement durable. Il est impossible de réunir des statistiques fiables dans le domaine de l’artisanat et de la culture.  Une lacune qui occulte le poids économique réel de la culture et du patrimoine et handicape la professionnalisation du secteur. Pourtant, il ne fait aucun doute que la culture polynésienne peut être le moteur du développement économique, en alliant tradition et modernité. Un des intérêts économiques de préserver le patrimoine, c’est d’exporter la captation d’images via des documentaires, des reportages, des films, sur des supports comme le câble, la télévision et Internet. Les nouvelles technologies représentent un médiateur remarquable des cultures polynésiennes et peuvent par conséquent générer une forme de tourisme en plein essor : le tourisme culturel. Car que pouvons-nous offrir d’unique, de différent par rapport aux autres pays si ce n’est la culture ? De nombreux emplois et recettes en découleraient : prise en charge et restauration des monuments et sites culturels, guides, enseignement et recherche, communication, évènementiel… Trop de problèmes structurels pèsent néanmoins sur la culture. Exemple : le poids économique de la sphère culturelle n’a jamais été étudié. Un simple constat qui démontre la nécessité de la professionnalisation de ce secteur, et de lui donner les moyens institutionnels, juridiques, financiers et humains de jouer son rôle non négligeable de moteur économique.

Soutenons la culture…

[singlepic id=161 w=106 h=160 float=left]« On sait que la culture se justifie en tant que telle mais il faut croire que cela ne suffit pas, explique Manouche Lehartel. Elle est seulement brandie comme un alibi démagogique ! Si la culture est si peu soutenue, c’est par ce que la perception de ce secteur est bien souvent passéiste. Pour que la culture soit prise en compte, les deux axes que nous avons choisi de valoriser doivent être considérés. Aujourd’hui, le secteur est sous-exploité. » Heremoana Maamaatuaiahutapu de poursuivre : « le secteur culturel est économiquement important, mais nous n’avons aucun chiffrage. Il en faudra pourtant, pour démontrer sa viabilité à ceux qui en douteraient encore. Le discours des politiques promettait une revalorisation culturelle à laquelle la population a adhéré ; on ne la lui a jamais offerte ! La culture ne représente que 0,7% du budget du Pays  Pour conclure cet atelier, mon message est simple : prenons la culture au sérieux. »

Pour aller + loin :

Visitez régulièrement www.etatsgeneraux.pf pour connaître les prochaines étapes et rendez-vous liés à l’atelier Culture.

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