L’art de danser et l’art d’enseigner

10 questions à Vanina Ehu, professeure de danse au Conservatoire Artistique de Polynésie française

Peux-tu nous raconter ton actu, ce qui t’a occupé ces dernières semaines ?

La rentrée ! La remise en état de ma salle de danse, les retrouvailles avec les élèves, la reprise de la danse…

Vanina et la danse… Quelle est votre histoire ?

J’ai commencé comme la plupart des enfants, avec la paroisse. J’ai grandi à Raiatea et intégré la troupe locale des Tamarii Uturoa vers 15 ans. Après mon bac, je suis venue à Tahiti. Je me souviens alors de mon premier Heiva dans les années 1980, avec Manuia Tahiti, le groupe de Julien Mai ! Cela me parait si loin maintenant ! Puis j’ai continué à danser avec de nombreux groupes : Temaeva, Temarama, Toareva, Heikura Nui… En tant que danseuse, j’ai été amené également à travailler sur les chorégraphies de certains de ces groupes. Déjà à l’époque, ce que j’aimais par-dessus tout dans la danse était le fait d’apprendre toujours de nouveaux pas, de nouveaux mouvements. Danser pour danser, ça n’a jamais été mon truc.

Enseigner au Conservatoire était donc une évidence ?

Certainement ! Lorsque je suis arrivée à Tahiti, j’ai commencé par être institutrice suppléante. Et la danse m’a vite rattrapée puisque j’ai eu l’opportunité de donner des cours de danse au Conservatoire, d’abord en tant que vacataire. Je suis plus jamais partie puisque je vais fêter mes 20 ans d’enseignement au Conservatoire ! J’en viens même à enseigner aux enfants des enfants à qui j’ai enseigné !

La danse : passion ou métier ?

Les deux. C’est devenu un métier par la force des choses, mais c’était d’abord une passion. Et aujourd’hui encore, je ne pourrais vivre sans. J’ai d’ailleurs l’impression de ne vivre que pour ça ! Toute ma vie a tourné et tourne encore autour de la danse. Mais il y a l’art de danser et l’art denseigner, deux fonctions bien différentes ! Pour la première, il s’agit d’être bon danseur, pour la seconde, d’être bon pédagogue. Il faut donc allier les deux avec la même conviction.

C’est mamie Louise qui t’a formé. Que représente-t-elle pour toi ?

Elle est comme ma mère. Quand j’ai débarqué à Tahiti, elle m’a vraiment prise sous son aile et inculqué les valeurs de la danse. Mamie Louise m’a transmis tout son savoir, qu’à mon tour je transmets aux enfants. Ce partage est essentiel, sans quoi, le ‘Ori Tahiti serait amené à disparaître.

Quelle différence y a-il entre danser au Conservatoire et danser dans un groupe ?

Au Conservatoire, ce qui prime est le plaisir de l’apprentissage de la danse, menant à un diplôme. Dans un groupe, c’est le plaisir du spectacle et de la compétition, pendant le Heiva. Ce sont donc deux façons de danser différentes, mais complémentaires.

Ce qui te plait dans ton métier ?

Chaque âge a sa progression : enfants, ados, classes d’examens, adultes, soit autant de pédagogies différentes ! Tous ces cours sont riches et représentent toujours une découverte. C’est intense en terme de préparation également, car chaque année nous travaillons sur un nouveau thème : les musiques, les chansons et les chorégraphies sont réadaptées.

En 20 ans d’enseignement, trouves-tu que les enfants aient changé ?

Oui ! Ils n’ont plus la même façon de penser je trouve. Et les plus petits sont de plus en plus précoces. Dès 3 ou 4 ans, tu sens déjà chez eux une réelle envie d’apprendre, de progresser. Mais je crois qu’il faut faire attention à ne pas les faire grandir trop vite !

Si demain, on te donnait des crédits pour développer une action à Tahiti, quel projet souhaiterais-tu initier ?

Les hommes sont de moins en moins à danser, aussi, je mènerais des campagnes pour les sensibiliser à la danse polynésienne ! Ensuite, je payerais une salle, des professeurs et des musiciens et les cours seraient bien entendu gratuits. Je ne sais pas pourquoi les hommes délaissent ainsi la danse, j’ai l’impression qu’ils préfèrent se tourner vers d’autres sports. C’est dommage car la danse a besoin d’eux !

Un message à faire passer ?

Croyez en ce que vous faites. On ne donne pas suffisamment confiance en la jeunesse. Ce sont les jeunes, notre avenir, et il faut les y préparer en leur apportant du courage et en mettant toutes les chances de leur côté.

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